Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 40.djvu/766

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LE CARDINAL MERCIER

De la tombe où l’Allemagne se flattait d’avoir mis la Belgique, l’univers écoute s’élever, depuis trois ans, la voix du cardinal Mercier. Elle représente, tout à la fois, l’héroïque faiblesse du peuple belge, qui s’offrit en victime pour le droit des gens, et l’invincible force de l’idée de justice, vengeresse d’une telle victime ; elle apporte à cette faiblesse le secours de cette force. Messagère d’un peuple opprimé, la parole du cardinal n’est pas une parole qui intercède, mais une parole qui proteste ; elle ne plaide point, elle attaque. Elle ne courbe pas la Belgique devant ses vainqueurs en attitude de suppliante, mais elle leur intime, à eux, de se courber devant quelque chose de plus haut ; elle n’est pas, à proprement parler, l’avocate des Belges ; elle est l’avocate générale du droit lésé. Jadis, au temps des premiers Barbares, on vit des évêques s’improviser « défenseurs des cités : » ils demandaient que le vainqueur fût pitoyable au vaincu, et ils l’obtenaient. Le peuple belge, qui n’aspira jamais à être un belligérant, n’a point à accepter une posture de vaincu : au point de départ de ses glorieuses infortunes, il y eut une neutralité cyniquement violée ; et son chef spirituel, auguste interprète de son âme, n’invoque jamais la pitié, mais revendique sans cesse la justice. De ce fait, ce ne sont pas seulement toutes les compassions humaines, mais toutes les consciences humaines, qui font écho à la voix du cardinal Mercier. Il fut en avance sur tous les hommes d’Etat et sur tous