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serait le salut ; mais French, se sentant isolé par l’échec de la 5e armée, se met en retraite après trois heures de contact avec l’ennemi. Le bref combat de Mons, suivi de ce prompt recul, met le comble à la crise,... mais commence peut-être aussi la guérison. La résolution prise par French de ne pas insister confirme une résolution semblable chez Lanrezac. Celui-ci ordonne la retraite générale de la 5e armée, le 23 à 9 heures du soir.

Les armées alliées se « décrochent, » mais face à l’ennemi. Et comme cette rupture du combat s’accomplit non par panique, déroute ni même défaite, mais par une volonté du commandement, comme il n’y a pas poursuite de l’ennemi, la retraite prend tout de même le caractère et offre les avantages d’une décision. Les choses vont prendre une face nouvelle. L’initiative change de camp.

Le 25 août au soir, les armées alliées sont ramenées sur le territoire français ; la 5e armée occupe la ligne Maroilles-Avesnes-Fourmies-Regniowez. L’armée britannique occupe la ligne Cambrai-Le Cateau-Landrecies.

Elles sont battues : telle est la conséquence, pour ainsi dire fatale, de l’initiative stratégique et tactique prise par l’armée allemande du 19 au 21 août. Mais elles ne sont pas rompues : telle est la récompense des initiatives stratégiques combinées par le commandement français et sur lesquelles nous allons revenir. Un retard de deux jours a causé la surprise et la perte de deux journées ; mais la sagesse des dispositions demeure et c’est elle qui va sauver ce qui peut être sauvé.

Que les Allemands célèbrent la victoire de « Sambre et Meuse, » comme ils l’appellent : ce n’en est pas moins pour eux une victoire incomplète et qui renferme le germe d’une prochaine défaite. C’est ce qu’il était impossible de discerner dans le trouble des premières émotions, mais c’est ce qu’il est possible de déterminer, maintenant.


G. HANOTAUX.