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Mais le commandant de la 5e armée n’est plus maître des événemens. Pendant qu’il élabore ses instructions, les Allemands ont attaqué, le 21, à douze heures quarante-cinq, et ils ont attaqué précisément les deux corps de flèche, en les prenant de flanc par le côté que couvre insuffisamment le 10e corps, échelonné depuis les hauteurs du sud de la Sambre jusqu’au pont d’Auvelais.

Les Allemands se sont insinués peu à peu dans les faubourgs de la rive gauche ; ils ont gagné de jardins en jardins, de maisons en maisons, de ruelles en ruelles, jusqu’au moment où ils ont été arrêtés par le canal qui borde la Sambre. Ayant ainsi filtré, ils se trouvent en présence des avant-postes du 10e corps qui gardent les ponts de Tamines et d’Auvelais. Luigi Barzini, qui se trouvait sur les lieux, a parfaitement décrit ces préliminaires de la bataille auxquels il assista, sans qu’il ait pu, sur le moment, en prévoir les suites :


Entre les maisons et la place de la Gare passe un canal navigable dérivé de la Sambre qui traverse la ville plus au Nord ; sur le canal, deux ponts tournans qui donnent accès à la ville étaient barrés par des chaînes. Au bord du canal, des soldats construisaient en hâte une barricade faite de pierres prises à un chantier. La ville avait l’air de s’intéresser intensément à ces préparatifs. Aux fenêtres apparaissent des visages curieux, et le long des trottoirs encombrés de tables de café, des passans s’attardaient à regarder. Rien de plus étrange que le contraste entre la tranquillité de la ville et ces fébriles apprêts de bataille. Le silence se prolongeait. Il y avait des momens d’alarme ; les sous-officiers prenaient leurs revolvers en criant des ordres ; c’était alors une fuite précipitée des passans ; puis, l’on revenait à une attende plus calme. Les trottoirs se vidaient et se repeuplaient tour à tour. Voilà ce qui se passait : des patrouilles de uhlans venant de Gosselies entraient à Charleroi, et, au passage des ponts, étaient arrêtés par les avant-postes français. La bataille de Charleroi a commencé par cette chasse à l’affût. A la gare se trouvait la dernière embuscade.


L’après-midi du 21 est marqué par trois séries d’événemens militaires : bombardement de Namur, combats du 10e corps à Auvelais-Arsimont, combats du 3e corps de Châtelet à Charleroi.

Le 10e corps perd le pont d’Auvelais et, après des contre-attaques magnifiques mais vaines, notamment à Arsimont, il est refoulé par la Garde prussienne sur Aisemont-Cortil-Mazet,