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Il avait, d’ailleurs, d’autres devoirs : c’était de veiller à la défense du territoire français sur toute l’étendue de la frontière. Pouvait-il négliger la région de l’Est ? Était-il en droit d’affaiblir, outre mesure, les armées qui protégeaient Nancy et Verdun ?

Le plan général allemand embrassait, comme les faits le prouvèrent, non seulement une attaque par la vallée de l’Escaut, mais aussi une offensive sur la Trouée de Charmes. Donc, il fallait être prêt partout. Tant pour l’offensive en Alsace et en Lorraine annexée que pour la défensive en Lorraine française, notre « force de l’Est » ne devait, à aucun prix, être sacrifiée.

Tout en montant sa propre manœuvre, le commandement français n’en surveille pas moins celle de l’ennemi. Il recueille les moindres indices qui peuvent lui révéler les projets du commandement allemand à l’Ouest. Celui-ci les cache avec un soin jaloux jusqu’au 19.

Le corps de cavalerie Sordet, qui a battu toute la Belgique, n’a apporté aucune donnée précise : on croit plutôt au bluff. Les armées allemandes sont toujours immobiles, voilées par le rideau mouvant et impénétrable de leur nombreuse cavalerie.

Cependant, un fait précis apporte, le 15, quelque lumière. Les troupes de couverture de l’armée von Hausen tentent de forcer la Meuse à Dinant : ce coup de sonde donne à penser que les armées allemandes n’ont pas pour objectif seulement la vallée française de la Meuse et qu’elles chercheront à déboucher plus au Nord, peut-être dans la direction de Maubeuge.

Immédiatement les précautions sont prises. Elles consistent, — pour parer à une éventualité encore incertaine, mais qui se précise, — à constituer, dans cette région, une puissante armée capable de faire tête à la manœuvre allemande si elle se manifeste dans cette direction. Une fois les mesures prises pour l’offensive à l’Est, l’attention du haut commandement français se porte presque uniquement vers le problème de l’Ouest.

Jusqu’à la date du 15, l’armée Lanrezac gardait le débouché des Ardennes, avec mission éventuelle de foncer sur les armées cachées dans cette région.

C’est le 15 que cette armée reçoit l’ordre de s’élever sur le territoire belge dans la direction de Namur ; c’est également le 15 que le 18e corps, rattaché jusque là aux armées de l’Est et en réserve vers Tout, reçoit l’ordre de s’embarquer pour se