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l’armée ennemie : il s’agit du round brutal dans les côtes qui lui fait perdre à la fois l’équilibre et le souffle ; l’armée battue ne doit plus respirer après ce coup.

La doctrine de Schlieffen multiplie la puissance des mouvemens d’aile en les assenant de deux côtés à la fois et en les faisant converger l’un vers l’autre. Une raison de plus pour que la manœuvre soit achevée, complète, sans repentir et sans bavure. L’enveloppement de l’armée ennemie est la condition de l’ « étreinte » et de l’ « écrasement. » Les armées allemandes de droite sont parties pour accomplir cette besogne audacieuse et brutale.

Et c’est pourquoi on a donné à ces armées à la fois le poids et la souplesse par la masse des effectifs et leur incomparable organisation : tout ce qu’une savante préparation et une longue sélection peuvent obtenir comme entraînement et comme choix, elles l’ont : le meilleur personnel, le meilleur matériel, les soldats, les chefs. Ce sont ces troupes incomparables dont l’apparition en Belgique causa, à la fois, l’éblouissement et la stupeur : ordre, discipline, éclat, splendeur. Cuivres astiqués, buffleteries fraîches, uniformes neufs, troupes de couverture s’abattant sur le pays comme des nuées de sauterelles ; gros se mouvant en rangs serrés avec le maximum d’accélération ; automobiles, bicyclettes, canons, obusiers, mitrailleuses, cuisines roulantes, hommes et machines, foules militaires roulant leurs flots pressés toujours, toujours. Musiques, trompettes et fifres, sonnant et sifflant, voix rauque du commandement, pas de parade martelant le pavé des villes : peuple casqué, tribus en armes dressées se précipitant à la mort, machine prodigieuse comme le monde n’en avait jamais vu et n’en reverra jamais !


III. — PLAN, EFFECTIFS ET POSITIONS DE L’ARMÉE FRANÇAISE

Le premier dispositif français avait tourné la plus grande partie de nos forces vers la frontière de l’Est. Nous avons dit que le projet du haut commandement français était d’attaquer par l’Alsace et la Lorraine en s’appuyant à droite sur le Rhin pour porter, le plus tôt possible, la guerre en Allemagne. Décidé à respecter la neutralité belge, il n’avait pas d’autre débouché. Mais il avait aussi pour intention positive, dès le