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A partir du 18, les Allemands apprennent par des actes publics et les communiqués officiels que le gouvernement belge a pris le parti de ramener son armée dans le camp retranché d’Anvers ; dès lors, l’attente est inutile et aussitôt le Kaiser ordonne le déclenchement du grand mouvement tournant.

Le piège n’a pas joué : reste la surprise.

Le souci angoissant du commandement français, durant les premières semaines de la guerre fut celui-ci : par où déboucherait la principale offensive allemande ?

Lui-même avait son plan ; il attaquait par l’Alsace et la Lorraine et manœuvrait pour pénétrer en Allemagne, sa droite au Rhin. Mais l’exécution d’un tel projet ne pouvait pas ne pas être influencée par le parti que prendraient les Allemands. Nous verrons tout à l’heure par quelle suite de remaniemens et de mises au point le haut commandement français dut parer aux initiatives ennemies : on comprend de quel intérêt il était pour les chefs allemands de ne dévoiler leurs desseins que le plus tard possible. Deux lutteurs, avant de s’étreindre, multiplient les feintes.

Tant que les armées allemandes étaient immobiles dans le Luxembourg et le Luxembourg belge, installées qu’elles étaient au carrefour des routes conduisant soit en Belgique, soit en France, on pouvait leur attribuer divers projets : soit une contre-attaque de flanc contre notre propre offensive en Lorraine annexée, soit une attaque frontale sur Verdun, soit une offensive de grand style par la vallée de l’Alzette débouchant en France par Rocroi et Mézières, coupant nos armées de l’Est de Reims et de Paris. Les forces opérant en Belgique eussent tout simplement, dans ce dernier cas, fait fonction de flanc-garde ou tout au plus, eussent coopéré à la manœuvre en prenant le chemin de Paris par l’Oise, comme les alliés l’avaient fait en 1814.

En présence de ces diverses éventualités, le haut commandement français, tout en engageant son aile droite dans l’offensive lorraine, se tenait ramassé sur son centre, prêta se porter partout où les Allemands apparaîtraient.

Pour les raisons que nous avons dites, les Allemands attendirent jusqu’au 18, au soir. C’est le 18, que l’empereur Guillaume quitte Berlin pour venir donner lui-même l’ordre déclenchant la manœuvre qui doit lui assurer le monde : il lance sa proclamation