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de suite, et par surprise, pour pouvoir déboucher en Belgique. Mais, tout d’un coup, stop : le grand mouvement s’est arrêté !

Pourquoi ? Le communiqué allemand fait allusion aux nécessités de la concentration ; puis il indique que les faits parleront d’eux-mêmes. Les nécessités de la concentration ne motivent pas un tel retard : les Allemands se sont vantés de la rapidité foudroyante avec laquelle elle s’était achevée, grâce à leur réseau de chemins de fer aux approches de l’a Belgique et dans l’Eifel. Quant aux faits ultérieurs, ils n’ont rien révélé du tout : on en est donc réduit aux conjectures.

Il faut admettre que le haut commandement, en violant la neutralité belge, entendait commencer la manœuvre probablement par un piège, mais certainement par une surprise. Les deux explications d’ailleurs ne sont pas inconciliables.

Jusqu’au 18, les armées allemandes qui se sont massées sur le territoire belge sont, en quelque sorte, à l’affût, dans l’ordre suivant : l’armée du Kronprinz (Luxembourg et Luxembourg belge), armée du duc de Wurtemberg (Luxembourg belge), armée von Hausen (région de Laroche), armée von Bülow (Sud de la Meuse, Andenne, Huy), armée von Kluck (derrière la Gette.)

Il est probable que, par cette disposition en demi cercle, le grand état-major allemand se préparait à profiter, comme il a été dit déjà [1], d’une faute de ses adversaires. N’ignorant pas que le gouvernement belge avait fait appel au gouvernement français et qu’il avait demandé d’urgence l’envoi d’une armée en Belgique, les Allemands avaient, sans doute, conçu le projet de laisser cette armée s’avancer jusque sur la plaine de Bruxelles-Waterloo, pour l’écraser entre les cinq armées tombant simultanément sur elle.

Le raid de cavalerie du général Sordet qui pénétra en Belgique jusqu’aux portes de Liège, dut accréditer, dans l’esprit de l’état-major allemand, l’opinion que l’armée française sui- vait et que le commandement français, cédant à l’entraînement d’une impétueuse générosité, jetait, en quelque sorte, une armée de délivrance dans la gueule du loup. Mais, en fait, malgré des instances réitérés et des sollicitations émouvantes, le haut com- mandement français ne céda ni aux appels, ni aux conseils. Son plan était tout autre et il s’y tint fermement.

  1. V. de Souza, La défaite allemande.