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accompli. » C’est ce qui se produira dans la manœuvre de la Marne et il est utile de le rappeler dès maintenant.

Malgré la force de ces objections, — qui, encore une fois, se sont produites après coup, — l’autorité des idées de Schlieffen s’imposa incontestablement au commandement allemand. Les faits sont là : puisque les Allemands ont attaqué à la fois en Lorraine et en Belgique, il faut bien admettre que le mouvement se faisait simultanément par les deux ailes, le centre (armée du Kronprinz et du duc de Würtemberg), étant tenu en réserve pour assener le coup décisif.


Le mouvement tournant par la Belgique est donc fonction de ce grand dessein militaire : l’aile droite de l’armée allemande représente une des branches de la tenaille, de même que les armées du prince de Bavière et de von Heeringen représentent l’autre branche dans l’Est ; elles vont simultanément au-devant l’une de l’autre, avec cette différence toutefois que l’armée de l’Ouest devant déboucher dans le voisinage de Paris et ayant pour mission de couper l’armée française, d’abord de la mer, puis.de la capitale, on l’organise avec un soin spécial, on la comble en quelque sorte de tous les réconforts matériels et moraux, on prend toutes les précautions stratégiques et tactiques pour assurer, autant qu’il est humainement possible, le succès de son importante mission.

Comment les Allemands conçoivent-ils ce mouvement d’enveloppement par l’aile droite ?

Ici encore, nous avons des documens formels. Une brochure qui semble avoir été écrite sous l’inspiration de l’ancien généralissime von Moltke, intitulée La Bataille de la Marne, expose, en ces termes, le caractère et l’objet du mouvement tournant dont l’aile droite était chargée :


Le gouvernement allemand avait prévu qu’il n’avait pas à se fier à la Belgique et, en effet, les pièces trouvées à Bruxelles après l’occupation allemande [1] ont prouvé combien les cercles militaires

  1. On connaît la fable que la propagande allemande a tenté d’accréditer au sujet des pièces établissant un soi-disant accord militaire entre l’Angleterre et la Belgique. C’est une de ces mirifiques inventions comme la « garnison française à Liège, » les « avions de Nuremberg » qui ne tiennent pas debout mais qui ont servi à tromper et à entraîner l’opinion allemande. Voir, à ce sujet, Histoire de la guerre de 1914, II, 173.