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Nous allons voir qu’un jugement tout différent et, jusqu’à un certain point, inverse, eût dû se dégager d’une appréciation renseignée sur les combats de la Sambre. Mais l’impression générale est telle que ce serait une sorte de paradoxe de discuter et d’analyser les circonstances et les modalités du succès. L’Allemagne s’est fait, de ce jour, une certitude de la victoire finale qui a rayonné d’elle sur le monde.

De cette conviction elle vivra, en quelque sorte, pendant des mois et des années. Tant les débuts importent et tant la victoire matérielle a ses prolongemens infinis et efficaces dans la manœuvre morale !


Il est permis cependant, à la lumière des faits, d’évoquer maintenant le verdict prononcé trop hâtivement. En exposant la « Bataille de Charleroi » non telle qu’on l’imagina de part et d’autre, mais telle quelle fut, on peut essayer de la ramener à ses proportions exactes et la considérer dans ses rapports avec l’ensemble de la guerre de manœuvres et avec la Bataille des Frontières.


II. — LA VERITE SUR LA « BATAILLE LE CHARLEROI. »

PLAN DES ALLEMANDS. — LE GRAND MOUVEMENT TOURNANT.

Les EFFECTIFS ALLEMANDS

Les combats de la Sambre résultent du choc de deux conceptions militaires se portant à la rencontre l’une de l’autre.

Disons, d’abord, la conception allemande.

L’invasion de la Belgique fait partie du plan général établi par le grand état-major allemand conformément aux doctrines de von Schlieffen. Suivant ces doctrines, exposées notamment dans l’article Cannœ et dans la brochure Krieg der Gegenwart, le haut commandement allemand, décidé à « en finir vite » avec la France afin de se retourner contre la Russie, aurait conçu le dessein d’anéantir, d’un seul coup, l’armée française, non par un unique mouvement tournant de l’aile droite, — comme on l’a cru d’après les exposés plus ou moins sincères de Bern hardi, — mais par l’enveloppement des deux ailes, c’est-à-dire par la manœuvre de la « tenaille » aboutissant à l’étreinte et l’écrasement.