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davantage qu’en s’exposant à tomber dans les lignes anglaises renforcées hier par des troupes françaises.

Situation générale. — Malgré les énormes fatigues imposées par trois jours consécutifs de combats, et malgré les pertes subies, le moral des troupes est excellent et elles ne demandent qu’à combattre. Dans la journée d’avant-hier, le fait saillant a été la rencontre formidable des tirailleurs algériens et sénégalais avec la troupe réputée, la Garde prussienne. Sur cette troupe solide, nos soldats africains se sont jetés avec une inexprimable furie : la Garde a été éprouvée dans un combat qui dégénérait en corps à corps. L’oncle de l’Empereur (?), le général prince Adalbert, a été tué ; son corps a été transporté à Charleroi. Notre armée, calme et résolue, continuera aujourd’hui son magnifique effort ; elle sait le prix de cet effort ; elle combat pour la civilisation ; la France tout entière la suit des yeux, elle aussi calme et forte, et sachant que tous ses fils supportent seuls, pour le moment, avec l’héroïque armée belge qui, hier, a repris Malines, et la vigoureuse armée anglaise, le poids d’un combat sans précédent par l’acharnement réciproque et par la durée...


Voilà tout ce que l’on apprend au public. De beaux faits d’armes, des combats héroïques, une retraite vigoureuse, des troupes harassées dont le moral est excellent, la Belgique évacuée, le territoire national envahi.

Le sens réel des événemens n’apparait pas. Sous les formules péniblement emphatiques on devine une vérité cruelle. L’obscurité redouble l’angoisse. On sent planer un malheur, terrible et inavoué.

Peu à peu l’idée se répand d’une bataille mystérieuse où des choses imprévues et extraordinaires se sont produites. On l’étend, par la pensée, sur tout le front occidental, depuis Tournai jusqu’à Metz. Des masses énormes ont été engagées : une retraite inexplicable et inexpliquée s’en est suivie. De cette bataille terrible le public ne saisit ni les précisions tactiques ni le sens stratégique. Il se trouve, ainsi, anxieux et désorienté, au moment où la u manœuvre morale » allemande, pénétrant par les neutres, va produire sur lui ses redoutables effets.


En Allemagne. — Dans le camp allemand, après un moment d’hésitation, ce n’est qu’un cri : « Victoire ! »

Le premier communiqué visant les opérations à l’Ouest de la Meuse est du 23 :