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POUR ET CONTRE LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE.
20 AVRIL/3 MAI

Les journaux de ce matin publient la note du gouvernement russe aux diplomaties alliées. La plupart reprochent à M. Milioukoff la forme, qu’ils jugent timide et ambiguë, par laquelle il convie les Alliés à s’associer à la Russie dans sa politique de renonciation à toute annexion et contribution de guerre. Il est à prévoir que les partis vont en tirer occasion pour s’affirmer davantage et aussi, hélas ! pour se ruer les uns contre les autres et risquer, au nom de la paix universelle, de nous faire choir dans la plus inexpiable de toutes les guerres : la guerre civile !

Déjà les colères bouillonnent ; la rue s’agite ; on y déclare le gouvernement traître à la démocratie. Hâtivement, je téléphone à l’un des membres du parti travailliste : M. Vodovozoff.

Le distingué publiciste revient d’un Congrès de paysans, tenu dans le gouvernement de Novgorod.

— Eh bien, dis-je en l’abordant : la situation est grave !

— C’est la faute de Milioukoff. Sa note est d’un doctrinaire qui ne comprend rien à l’évolution. Elle marque un recul sur la déclaration du 27 mars, qui a posé nettement et fait connaître au monde les buts de la révolution russe. Nous ne voulons ni des Dardanelles, ni de Constantinople, et l’erreur de M. Milioukoff a été de rester, notamment sur ce point, fidèle à la politique tsariste. Partisans de la politique ouverte, nous demandons que les contrats entre la Russie et ses Alliés soient rendus publics. Nous remplaçons le mot d’ordre impérialiste : « Jusqu’à la victoire complète » par la formule : « Jusqu’à la libération de tous les peuples, » — sans en excepter l’Allemagne. La victoire que nous voulons, c’est celle des démocraties sur leurs oppresseurs. Nous ne la rechercherons par les armes qu’après avoir acquis la douloureuse certitude qu’elle ne peut être obtenue autrement. Cela non plus, M. Milioukoff ne paraît pas l’avoir compris... Dans ce conflit, comme dans tous les autres, le dernier mot appartient au peuple !

Ce dernier mot, c’est en effet à la rue que je vais le demander. Elle présente l’aspect fiévreux des jours de grande lutte. Tout le peuple y est déjà descendu. Des attroupemens se