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SCÈNES DE LA RÉVOLUTION RUSSE

III [1]
LA
RUSSIE AU BORD DE L’ABÎME


L’IVRESSE MAGNIFIQUE ET DANGEREUSE


Pétrograd, mai 1917.

Vie frémissante, pleine de passion et d’éclat : c’est la nôtre depuis la grande semaine révolutionnaire. Toute demeure est une hôtellerie où l’on mange à la hâte, où l’on dort la moitié de son sommeil. La pensée, l’action, le mouvement sont dans la rue et l’âme s’y précipite à leur suite. Notre vie spirituelle est si intense qu’à peine songe-t-on à assurer l’autre. Si le pain du corps manque parfois, en revanche celui de l’esprit surabonde. Pareil aux cinq pains de l’Evangile, il se multiplie jusqu’à rassasier une multitude toujours croissante et toujours renouvelée. On en a plein les mains, on le foule aux pieds, il vole au-dessus de nos têtes sous la forme des innombrables feuilles politiques qu’a fait naître la Révolution. Voici les Isvestia (les Nouvelles), organe du Conseil des délégués des ouvriers et soldats ; le Diélo Naroda (la Cause du peuple), où paraissent les articles enflammés, mais parfois inquiétans, de

  1. Voyez la Revue des 15 mai et 1er juillet.