Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 40.djvu/669

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Suivant la maxime de l’orateur antique : « De l’action, encore de l’action, toujours de l’action, » ses mains, d’abord tendues en se croisant vers le sol, se délient, montent à la hauteur du visage, se ferment et se crispent, pour frapper l’espace des deux poings fermés, puis se détendent, pendant que le bras s’avance et que le geste s’élargit ; le buste, légèrement penché au début, se redresse, se grandit ; le visage, d’abord souriant et comme rayonnant de clarté, se contracte et s’empourpre ; mais la voix, toujours harmonieuse, dont les mots portent jusqu’à l’extrémité des plus nombreux auditoires, garde toujours, sous la variété de l’accent et jusqu’au moment de la suprême envolée, son timbre de cristal. Habitués à l’éloquence plus sobre et plus monocorde, au geste plus rigide de leurs orateurs, soudain dépassés par la souplesse vive et forte de cette parole ardente, les Américains saluent d’acclamations enthousiastes et coupent d’applaudissemens frénétiques le merveilleux orateur qui, ne sachant pas l’anglais, se fait, rien que par la puissance de son geste et la mimique de sa parole, comprendre d’hommes qui savent à peine le français.

« C’est juré ! » a-t-il dit au Congrès. « C’est juré ! » a-t-il dit au peuple. Suivant le mot du président des Etats-Unis, « nous sommes frères dans la même cause. » Oui, c’est juré. Une fois de plus entre les États-Unis et la France, le pacte de liberté et de justice se trouve scellé, et, pendant que la mission française discrètement s’éloigne vers la France, ces mots de La Fayette au Congrès, le 1er janvier 1825, reviennent à l’esprit pour caractériser un voyage qui, par l’importance historique, ne rappelle pas seulement le sien, mais renouvelle l’intimité de pensée créée entre la France et l’Amérique par sa toute première arrivée : « A l’union perpétuelle avec les Etats-Unis ! Un jour elle sauvera le monde. »


PIERRE DE LEYRAT.