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les étoiles de maréchal, les jambes enveloppées de molletières brunes, le vainqueur de la Marne évoque, aux yeux des Américains, les grands souvenirs de simplicité démocratique d’un général Grant. Impassible au milieu des ovations qui l’accueillent, ce maréchal sans cheval, ni chapeau à plumes, ni broderies, ni bottes, ni éperons, l’air doux, affable, avec son regard profond d’un bleu presque rêveur, réconcilie les plus intransigeans des pacifistes avec l’armée, dont ils comprennent qu’elle peut être démocratique, et jusqu’avec la guerre, dont ils entrevoient qu’elle peut être faite, non seulement pour la justice et la liberté, mais pour la paix du monde. Ce ne sont pas seulement des hommages guerriers que lui apportent les Américains, épées d’honneur à Brooklyn, bâton de maréchal fait dans le bois précieux du bâtiment de l’Indépendance, mais un tribut civique avec la statue d’or de la Liberté éclairant le monde qui lui est remise au Central Park de New-York.

Et ce n’est pas seulement devant les cadets de West Point, ou les monumens élevés aux soldats morts pour la patrie, que le maréchal trouve, avec quelques brèves paroles, ce geste : le salut porté de la main au front découvert, qui devient promptoment populaire et que les Américains, même vêtus de la pourpre d’un président d’université, répètent ; il trouve, devant la cloche historique de Philadelphie, cet autre geste, la main ramenée aux lèvres après avoir touché le glorieux battant, qui devait lui conquérir tous les cœurs. Comme pour La Fayette, les femmes, les enfans se pressent sur son passage, et, comme La Fayette, avec la même bienveillante affabilité, il se laisse approcher en toute simplicité. « Avec son regard doux et fort, nous dit une Américaine, sous la masse de ses cheveux blancs, son maintien simple, son sourire accueillant à tous, grands ou petits, puissans ou faibles, c’est le type du véritable héros. »

Pour commenter le sens du voyage de la mission, exprimer la permanence des sentimens que la France et l’Amérique, unissant leurs forces au service d’un même idéal de liberté, de justice et de démocratie, éprouvent l’une pour l’autre, nulle parole, au sein du gouvernement, ne pouvait être plus émouvante que celle du chef civil de la mission. Douce pour remercier, énergique pour affirmer, âpre pour flétrir l’agresseur ennemi de toute justice et de toute liberté, sa parole musicale a tantôt la fluidité de l’eau qui coule et tantôt la résistance du métal.