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quand le cortège se met en marche pour l’Université de Cambridge, où, dans le stadium, s’entassent cinquante mille personnes, de nouvelles acclamations retentissent.

Après avoir offert au maréchal Joffre l’ardent salut de son esprit martial, Boston réservait, le lendemain, à M. Viviani, d’abord dans la Bibliothèque, fondée par un Français, où les muses de Puvis de Chavannes acclament le Génie de la Lumière, puis, au City Club, où se groupent, sans hiérarchie ni barrière, toutes les conditions, toutes les opinions, l’accueil de son esprit civique. Fidèle à ses grandes traditions, l’Athènes du Nord se montre ainsi comme une ruche active de travail, qui, non contente d’accumuler les richesses, allume, la journée finie, la lampe de l’étude, et sur sa prospérité entend que rayonne, haute et vive, la pure flamme de l’idée.


Un port d’Amérique, en mai.

Quelque part, descendent silencieusement, d’un train garé depuis une demi-heure, des ombres : de brèves paroles, et, dans la nuit, une vedette de la police du port glisse sur la moire sombre des eaux. Sur la rive opposée, les gratte-ciel, gardiens géans du fleuve immense, jettent au groupe qui s’enfonce dans l’épaisseur d’une nuit sans lune l’appel non écouté, si ce n’est comme adieu, de leurs lointaines lumières. Dans l’avant-port, deux navires de guerre attendent. Et bientôt, l’un convoyant l’autre, ils descendent vers l’Océan. Nul journal, ni demain, ni après-demain, ne dira la nouvelle. Plus discrètement encore qu’elle n’était venue, dans la solitude d’un matin, sur cette côte de la Virginie où les cavaliers autrefois abordèrent, la mission française vient de partir, d’un autre point, sous le triple anonymat du lieu, de l’heure, de la date, — et de disparaître dans la nuit.

Entre cette arrivée de surprise et ce départ de mystère, quelle activité, quelle popularité, quel éclat !

Pour trouver une impression comparable, il faudrait remonter quatre-vingt-treize ans en arrière, à la longue visite de quatorze mois que fit ici La Fayette, à l’invitation du Congrès. Prié par la République américaine « de revenir dans cette patrie adoptive de sa jeunesse, » le général s’embarquait au Havre sur le Cadmus, avec son fils Georges et un secrétaire. Il ne représentait que lui-même. Et cependant dans un voyage qui,