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« qui n’a jamais reculé ou hésité, à l’heure du danger : » « Nous sommes avec vous dans cette affaire jusqu’à la fin, quelle qu’elle soit, » le doyen de l’assemblée, président du Comité de réception, M. Choate, redresse sa taille courbée par l’âge, et prononce un discours, dont nul ne pouvait alors se douter que ce serait son dernier. Spirituel, il regarde l’auditoire, la galerie, qui fait cercle, et le parquet des dineurs : « Je comprends, dit-il, qu’il n’y a rien que les femmes aiment mieux que de voir le repas des lions ; mais il arrive un moment où les lions rugissent, et ce moment est venu. Maintenant que nous sommes allés de l’avant dans cette guerre avec nos chers alliés, la Grande-Bretagne, notre mère-patrie bien-aimée, et la France, notre chère, délicieuse, ensorceleuse, fascinante, hypnotisante sœur, la fin ne saurait être douteuse. Nous y sommes pour la victoire que nous remporterons ensemble. » Dans un dernier effort de généreuse ardeur, ce vieillard que la guerre transporte au point d’ébranler en lui jusqu’aux sources profondes de la vie, n’hésite pas à parler comme un jeune homme, ce diplomate, comme un soldat : « Je me sens inspiré de la vieille âme de l’amiral Farragut. Lors de la guerre de Sécession, il avançait péniblement dans la baie de Mobile, parce que le Brooklyn, qui le précédait, marchait lentement. Comme le Brooklyn s’arrêtait, il demanda : « Qu’y a-t-il ? » « Torpilles, » lui crie-t-on. « Je m’en f... des torpilles. A toute vapeur ! » Défi aux sous-marins criminels, que l’assistance, mise en joie par ce rappel historique, appuie de longs applaudissemens. Puis, sagement, avec une grande finesse pratique, il conclut : « Les missions française et anglaise sont ici pour nous dire ce Que nous devons éviter. » « Non, répond M. Balfour, nous n’avons pas la prétention d’être vos instructeurs et vos mentors. Mais si la connaissance de nos erreurs peut être pour vous un utile moyen de les éviter, nous sommes prêts à les confesser devant vous. » Et, marquant le caractère de la guerre actuelle, violation des traités, barbarie armée par la science contre l’humanité, vain orgueil d’un peuple de mettre le monde à ses pieds, il dégage le sens universel de cette guerre, faite en apparence à quelques-uns, en réalité à tous, en sorte que tous les défenseurs du droit, de l’honneur et de la pitié, doivent s’unir pour résister à l’entreprise impie de l’empire de proie.

Très en forme, M. Viviani, dans une étincelante improvisation,