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comme pris d’un accès de joie convulsif, lui frappe par deux fois sur l’épaule d’un geste énergique ; ses lèvres s’écartent en une sorte de large rictus muet qui laisse entrevoir une rangée de dents énormes. De l’autre côté du maire, l’ex-président Taft carre son imposante stature. Son large visage, aux traits gras et réguliers, lui donne l’air assagi d’un commerçant prospère ou d’un industriel enrichi. Lorsque le maire, de sa voix vibrante, présente simultanément à l’assistance, sans prononcer leurs noms, les deux ex-présidens, il est le premier à se lever. Teddy reste obstinément assis : ce n’est que lorsque ses voisins de table le poussent que, d’un mouvement brusque et gauche, avec une contorsion du buste, il se lève, incline en avant, une seconde à peine, sa forte poitrine, et se rassied simplement, pendant que la galerie, tour à tour, crie : « Taft !Taft ! Teddy ! Teddy ! »

Représentant l’Etat de New York, le gouverneur Whitman a la forte carrure, la structure massive de lutteur, le visage carré, comme taillé à coups de serpe, d’un Danton ou d’un Mirabeau, les traits larges et proéminens, le nez fort, le pli des lèvres énergique, presque brutal, le regard autoritaire, toute sa personne respirant la force, la puissance de volonté, mais avec une parfaite franchise et droiture. L’armée est ici dans la personne du général Wood, soldat à l’œil froid et impassible, au profil romain, vivante personnification du devoir. Les Universités sont présentes avec le docteur Nicholas Murray Butler, la marine avec le contre-amiral Nathaniel R. Usher, le gouvernement fédéral avec l’honorable Frank L. Polk, conseiller du département d’Etat, le Sénat avec l’honorable William M. Calder, le corps diplomatique avec Cecil Spring-Rice et J.-J. Jusserand à la table d’honneur, et, à une table d’invité, l’ancien ambassadeur à Berlin, Gérard, qui, le regard las, reste plongé dans une méditation contemplative, tandis qu’à une table proche, évoquant les souvenirs d’une agitation politique passée, l’ancien candidat républicain à la présidence, Charles Evans Hughes, froid, correct, élégant, le visage aux traits réguliers marqués d’une empreinte aristocratique, la barbe blanche soigneusement peignée, encadrant une bouche large dont le lumineux sourire laisse entrevoir une denture magnifique, goûte, sans regret du pouvoir près duquel il passa, la joie patriotique de l’heure.

A l’appel du maire, qui vient de dire au nom de New York,