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mission se retrouvait, à l’invitation de la ville, avec la mission britannique au Waldorf Astoria.

Là, dans la salle de bal, un millier de convives sont présens : cérémonie expiatoire, car, ici même, à une époque que beaucoup regardaient comme le commencement d’une ère nouvelle, d’une ère allemande, pour les Etats-Unis, fut, en 1902, donné au prince Henri de Prusse un dîner d’honneur. Aujourd’hui, l’Angleterre et la France sont les hôtes de la ville de New-York.

Alternativement vue d’en bas et d’en haut, la salle offre un curieux contraste. D’en bas, la vue s’arrête sur une galerie circulaire, divisée en loges comme un balcon de théâtre ; près de quatre cents aristocratiques beauties y trônent dans le rutilement des pierreries, le chatoiement des soies, des satins, des velours, nuancés de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel ; les éventails s’agitent ; de jolies lèvres chuchotent ; un flot continu de visiteurs en habit noir ou en uniforme passent d’une loge à l’autre, pendant qu’un orchestre invisible étouffe le bruit des voix, le cliquetis des verres, le brouhaha du service, qui monte du bas de la salle et des couloirs, sous un déluge de marches entraînantes et patriotiques, de Sambre-et-Meuse à America. Vue de la galerie, c’est une véritable forêt d’habits noirs et de plastrons blancs, groupés par dizaines autour de petites tables rondes, tellement pressées les unes contre les autres que les convives se touchent du coude, ont peine à porter leur verre aux lèvres, et que, pour se frayer un passage, le personnel a recours à de véritables tours de force d’acrobates improvisés garçons de table. Par intervalles, sur l’immense damier d’habits noirs et de plastrons blancs, le bleu clair d’un uniforme français, le kaki plus sobre d’un uniforme anglais ou américain éparpille, aux quatre coins de la salle, une gamme de notes martiales, qui vont rejoindre, à la grande table du fond, la note maîtresse formée par le dolman bleu sombre, coupé d’un chapelet de boutons d’or, du maréchal.

Le maire préside la table d’honneur. Son regard brille. Il a, sur les lèvres, un sourire continuel. Tout son visage rayonne d’une joie intense. D’un long regard de côté, il couve ses hôtes illustres : à droite, M. Arthur Balfour, grand, droit, vigoureux, souple malgré son âge (il joue encore au tennis), le teint frais, rosé, d’un homme entraîné aux sports, le regard