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joie de leurs rondes enfantines. Ainsi s’unissent aux souvenirs du passé les espérances de l’avenir.

Après avoir, à l’hôtel Astor, soulevé l’enthousiasme des industriels et des commerçans de la ville, en les remerciant de la loyauté de leurs fournitures et de l’assiduité de leur labeur pour les Alliés, M. Viviani, suivi du maréchal Joffre, monte jusqu’à la cent-seizième rue, aux hauteurs de Columbia. L’ancien Collège royal de George III, qui, fier de ses origines, garde, dans ses armes une couronne, offre deux doctorats honoris causa aux deux chefs, civil et militaire, de la mission. Sur les degrés du monumental escalier qui mène à la Bibliothèque, escalier coupé d’un large palier où s’assied, statue d’or et personnification de l’intelligence, l’Alma Mater, les professeurs en robe noire, le président Nicholas Murray Butler, en robe vermeille, attendent les récipiendaires. Les escaliers sont noirs de monde : il faudrait remonter à la réception d’Abraham Lincoln pour trouver un sentiment comparable. Souriant, le président Butler, une fois la prière dite, évoque ce souvenir de Lincoln, compare la grandeur des crises et l’importance des temps. Dans un profond silence, il loue le chef civil de la mission, « le haut esprit et la sereine décision du peuple français, lié à nous par des liens qui remontent jusqu’au berceau de notre nation, et que rien ne pourra jamais affaiblir. » Puis se tournant vers le maréchal, levé pour recevoir l’insigne bleu du doctorat de Columbia : « Joseph-Jacques-Césaire Joffre, maréchal de France, qui par la force et le caractère, le courage et la superbe stratégie, avez rendu le nom de la Marne aussi immortel que Miltiade celui de Marathon, et ainsi sauvé le monde, pour la démocratie... recevez ce titre. » Et, tandis que le maréchal porte la main à sa tempe, le président Butler l’imite : premier exemple d’un grand universitaire américain faisant officiellement, dans la forme française, le salut militaire.

Séparés le lendemain en deux groupes, l’un qui se rendait à West-Point, pour y voir, sur les pelouses qui dominent l’Hudson, évoluer les cadets, jeunes athlètes qui, bientôt, seront officiers sur le front de France, — l’autre qui restait à New-York, pour le déjeuner des « lawyers, » heureux d’accueillir leur illustre confrère et d’honorer ainsi les glorieux sacrifices faits à la guerre par le jeune barreau français, — la