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Par l’insurmontable clameur, poussée jusqu’au ciel, de centaines de milliers de voix, le tonitruant délire de la foule a reçu la mission. L’échange de paroles officielles ne saurait plus longtemps tarder. Jeune, grand, svelte, élégant, le nez long et busqué, les lèvres minces, la parole prenante, étonnant d’ardent enthousiasme et d’inflexible ténacité, le maire John Purroy Mitchell salue au City Hall, dans la mission, la France, « la France que nous aimons, la France notre alliée au cœur chaud, jamais inconstante, jamais infidèle, à laquelle nous, les Etats-Unis, avons une si grande dette, la France qui, pendant trois ans, a versé son sang pour que l’idéal de liberté politique et personnelle que les Etats-Unis proclament et chérissent puisse vivre sur la terre. » Les épaules voûtées, courbé, cassé, mais conservant, sous le front méditatif, à travers le doux regard profond des yeux noirs, toute la profondeur de la pensée, et, dans le corps affaissé par l’âge, toute la générosité d’un cœur sur lequel les ans n’ont pas de prise, le doyen des avocats de New-York, l’ancien ambassadeur des Etats-Unis à Londres et à la seconde conférence de la Paix, l’illustre Joseph L. Choate, intervient à son tour. Et, rappelant l’aide apportée par La Fayette dans la lutte pour l’indépendance : « Ce n’est rien, dit-il, à côté des services que la France rend à l’Amérique depuis deux ans et neuf mois. Vous avez livré nos batailles, jour par jour, et en ce moment les fils de la France versent leur sang comme de l’eau pour que notre pays et les autres nations libres de la terre puissent jouir à jamais de la liberté. » — « Vous avez eu raison, Monsieur, répond le chef de la mission française, de dire que le sang de la France coule comme de l’eau. Et pourquoi a-t-il coulé ? Comme vous, nous étions une démocratie libre ; nous ne pensions qu’à la justice, au droit universel et à l’humanité. Mais nous avons été, sous l’agression même, obligés de nous lever. » Se tournant vers le maréchal Joffre, que, sans un arrêt de son entraînante éloquence, il attire près de lui, le bras passé autour du cou et la main sur l’épaule : « Qui donc, demande-t-il, conduisait nos soldats ? Qui donc, le regard sûr, la tête froide et tranquille, organisait le plan de la résistance à l’ennemi ? Je ne vous dis pas son nom ; il suffit de rappeler la Marne. » Et, de l’autre bras, il attire près de lui, pour louer nos marins, des tranchées d’Ypres à l’Adriatique, l’amiral Chocheprat. Sur le fond de lierre qui, sobrement,