Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 40.djvu/623

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’ordonnent et se répartissent parmi les champs de neige, plus haut, par régimens entiers. Détournez d’eux vos regards pour un instant : ils disparaissent absorbés dans l’immensité des choses, longtemps avant d’atteindre le soulèvement des murs de rocs où commencent les montagnes et le combat.

Il n’existe aucune échelle sur quoi l’on puisse se régler. Les plus gros obus font une tache pas plus grosse qu’un moucheron, au coin d’un pli d’ondulation sur le bord d’un champ de neige. Une caserne pour deux cents hommes est un nid d’hirondelle plâtré sous le rebord d’un toit et n’est visible que quand la lumière est bonne, — la même lumière qui révèle la toile d’araignée brillante formée par les fils d’acier tendus à travers les abîmes et qui sont le chemin de fer aérien destiné au ravitaillement de ce poste. Quelques-unes de ces lignes ne travaillent que la nuit, quand les bannes qui glissent suspendues aux fils de fer ne peuvent pas être bombardées. D’autres, en perpétuelle activité, bourdonnent tout le jour contre les fentes et les cheminées du roc, avec leur chargement de matériaux de construction, de vivres, de munitions, et les lettres bénies du foyer, ou bien un précieux fardeau de blessés, deux à la fois, qu’on fait glisser, ainsi jusqu’en bas après quelque combat sur la crête même.

Depuis ce fil métallique et sa banne jusqu’à la mule qui porte deux cents livres, au camion ou au chariot de cinq tonnes, à la tête de ligne, tout passe par là de ce qui monte à ce champ de bataille ou en descend. Exceptez-en les gros canons : ceux-ci arrivent à leur place exacte par les mêmes moyens qui servirent à la construction de Rome.

On ne se lasse pas de m’expliquer et de me réexpliquer la question des transports ; on me donne les poids, les mesures, les distances et la ration moyenne des troupes par tête et par jour. Le système italien n’est pas le même que le nôtre. Il semble n’avoir pas notre abondance de formalités et d’entraves, non plus que nos palais peuplés d’employés en kaki paraphant les feuilles de papier en quadruple expédition.

— Des formalités et de la paperasserie, oh ! nous en avons, nous aussi : nous en avons autant qu’on peut en avoir ; seulement c’est dans les villes qu’elles fleurissent : elles ne poussent pas bien dans la neige.

— Tous mes complimens. Mais ce qui m’impressionne ici,