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égard ; elle voulut prendre sa part personnelle de l’œuvre commune. Et puisque, — elle nous le manifeste tous les jours d’une manière bien éloquente et bien touchante, — c’est surtout à la France qu’elle apporte l’appui de ses armes et de son or, la France est fière et elle est heureuse d’avoir contribué par ses sacrifices d’aujourd’hui, et par ceux d’autrefois, à déchaîner contre la monstrueuse tyrannie allemande la grande force bienfaisante d’un grand peuple libre [1].

Etranges vicissitudes des choses humaines ! Que de fois ne nous avait-on pas dit que le spectacle de l’histoire, comme celui de la vie même, est une vaste école d’immoralité, que le mal y règne en souverain maître, avec ses deux compagnes inséparables, la ruse et la violence, et que la seule sanction qu’on y reconnaisse est celle du succès ! Et, sous l’obsession de notre défaite, nous avions failli souscrire à cette désespérante philosophie. Eh bien ! non, ils avaient tort, ceux qui nous tenaient ces raisonnemens découragés. Le mal n’est pas la loi du monde, et ses triomphes ne durent qu’un temps. Si les hommes ont l’air de les absoudre, Dieu, lui, ne les absout pas. Il n’y a pas de prescription pour les grandes iniquités historiques. Question de Pologne, question d’Alsace-Lorraine, on les croit mortes, enterrées à jamais. Erreur profonde ! Un jour, elles renaissent de leurs cendres. Le monde est en feu pour les résoudre ; les Empires le plus solidement assis s’écroulent sous le poids des crimes séculaires qu’ils ont commis pour s’édifier aux dépens des nations vivantes qu’ils ont mutilées, piétinées sans scrupule. Et l’avenir reste ouvert aux peuples qui n’ont pas désespéré de la justice, et qui se sont noblement sacrifiés pour hâter son avènement.


Au premier rang de ces peuples-là a été la France. Comme si la destinée lui proposait un pari suprême, la France s’est retrouvée telle qu’elle a été aux plus belles époques de son histoire. Elle a accepté le pari, et elle l’a tenu, elle le tiendra jusqu’au bout. Elle a senti d’instinct tout le prix de l’enjeu. Elle

  1. Le président de la Chambre de commerce américaine, M. Waller Berry, dans un très éloquent et vibrant discours qu’il prononçait le 4 juillet, exprimait avec une force singulière les sentimens de ses compatriotes pour la France : « Je sais, disait-il en débutant, que j’exprime la pensée de chacun de vous quand j’affirme que la plus belle conquête de l’an III de la guerre a été la conquête des États-Unis par le maréchal Joffre. » Et ce mot dit tout.