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disciplinés. Et cette grande voix lointaine qui nous proclamait les soldats du Droit a retenti longuement dans tous les cœurs français comme le témoignage irrécusable d’une haute et juste conscience.

La décision américaine était peut-être encore quelque chose de plus. Elle était la récompense du long effort qu’avait fourni la France pendant ces trente-trois mois d’une guerre inexpiable. Certes, la France n’a pas été seule à lutter et à souffrir, et elle n’oublie ni le martyre de la Belgique, ni l’appui, unique et irremplaçable, que, dès le premier jour, lui a prêté la flotte anglaise. Il n’est aucune des Puissances, grandes ou petites, de l’Entente, qui n’ait, dans cette guerre, joué généreusement son rôle non pas seulement utile, mais nécessaire, et qui n’ait contribué à hâter la victoire finale. Mais nos amis Anglais l’ont proclamé assez souvent et assez haut : c’est, au moins de toutes les grandes Puissances, la France qui, pendant longtemps, a eu à supporter les plus durs sacrifices, et la moindre défaillance de sa part aurait pu avoir les plus désastreuses conséquences. Le miracle français fut que, trop mal préparée, hélas ! à recevoir le furieux assaut d’un ennemi formidable, la France ne se montra pas inférieure à sa haute destinée, qu’elle soutint le choc, le brisa et sut opposer aux retours offensifs de l’adversaire une barrière infranchissable. Elle fit plus encore : sous le canon même de l’ennemi, avec une patience indomptable, avec une activité inventive et multipliée, elle sut se forger de nouvelles armes et en forger à ses alliés. Pendant que ses fils lui faisaient un rempart de leurs corps, elle organisait d’abord sa défense, et puis sa victoire, — cette victoire dont nous voyons aujourd’hui les glorieux commencemens. Elle resserrait ses alliances, en conquérait de nouvelles, aplanissait les difficultés entre ses anciens et ses nouveaux amis, les groupait autour d’un même idéal, les enflammait de son ardeur, de sa confiance, et joignant leurs ressources aux siennes, les utilisait toutes contre l’ennemi commun : cela sans emphase, sans vaine gloriole, avec cette discrétion, cette honnête simplicité qui sont la marque propre du génie français. A la voir si vaillante, si douloureuse et si sereine, les admirations, les sympathies lui venaient de toutes parts. Une heure vint où l’amitié américaine, exaspérée d’ailleurs par la félonie tudesque, ne voulut plus se contenter de l’active charité qu’elle exerçait si généreusement à notre