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venait de mettre à sa tête un véritable dictateur dans la personne de M. Lloyd George : homme d’énergie, de pensée et d’action, grand orateur, travailleur infatigable, — un Celte, comme notre Briand, — M. Lloyd George sera peut-être, dans cette dernière phase, le véritable « seigneur de la guerre. » En France, un remaniement du ministère et du haut commandement était l’indice et la promesse d’une utilisation plus complète, sur le front et à l’arrière, de toutes les énergies nationales. Enfin et surtout, d’heureuses actions militaires avaient lieu, signes avant-coureurs des futures victoires décisives. L’armée inter-alliée de Macédoine s’ébranlait, rentrait dans la Serbie envahie, s’emparait de Monastir. Et, sur notre front, non seulement Verdun tenait toujours, mais Verdun, sous la direction de Nivelle, reprenait l’offensive. « Que tous, avant de partir, aient jeté leur cœur par-dessus la tranchée ennemie, » avait dit magnifiquement le nouveau chef en arrivant à Verdun. Et nos soldats, électrisés par ce noble langage, firent comme on le leur disait. Le 24 octobre, dans un élan irrésistible, ils reprenaient Douaumont, le fort symbolique ; le 2 novembre, ils récupéraient le fort de Vaux ; le 15 décembre, dans une superbe offensive, ils avançaient de trois kilomètres, dégageant Verdun, et ramenant nos lignes jusqu’à l’endroit d’où était partie l’attaque allemande. En quittant l’armée qu’il avait commandée sept mois, le nouveau généralissime venait de faire ses preuves : grâce à lui, l’obstination méthodique de l’héroïsme français avait eu le dernier mot.

Et tandis que cette fermeté indomptable émerveillait le monde, achevait de retourner en notre faveur l’opinion universelle, — exaspérée par tant de constance, effrayée de tous ses échecs, en proie à mille inquiétudes trop justifiées, sentant monter autour d’elle la lente réprobation de la conscience humaine, emportée par « cet esprit d’imprudence et d’erreur » qui souffle sur les nations agonisantes, l’Allemagne, déchirant tous les traités et violant tous ses engagemens, dans un véritable sursaut de démence désespérée, déclarait la guerre à tous les neutres, une guerre sous-marine sans loyauté et sans merci. Cette fois, la mesure était comble. La grande démocratie pacifique du Nouveau-Monde, qui avait fait preuve, à l’égard des Empires du Centre, d’une longanimité et d’une patience que nous avions peine, parfois, à ne pas trouver excessives, rompait