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triomphale offensive, trop tôt arrêtée malheureusement, — nous savons aujourd’hui pourquoi, — et qui, sans parler des remarquables résultats directement obtenus, obligeait encore l’armée autrichienne descendue en Italie à lâcher prise et à se retourner contre l’entreprenant envahisseur. Libre, désormais, de ses mouvemens, Cadorna pouvait mettre la dernière main à ses préparatifs d’offensive, infligeait sur le Carso, à l’armée autrichienne, une sanglante défaite, et s’emparait enfin de Gorizia, l’une des clefs de l’Italia irredente. Nous-mêmes, d’autre part, que Verdun n’avait ni exclusivement absorbés, ni épuisés, comme on le croyait outre-Rhin, nous prenions, avec nos amis Anglais, l’offensive sur la Somme, et, en quelques semaines, nous faisions subir à l’armée allemande des pertes irréparables, et, en attendant de la contraindre à la retraite, nous remportions des avantages plus importans, plus décisifs, et, surtout, plus définitifs, que ceux qu’en plusieurs mois, l’Allemagne avait obtenus à Verdun. Encouragée enfin par tous ces succès, la Roumanie suivait à son tour l’exemple de sa « sœur latine, » et, répudiant comme elle une alliance qui n’était qu’un esclavage, elle se rangeait à nos côtés avec un courage que nous avons applaudi sans doute, mais dont nous n’avons pas soupçonné tout d’abord la méritoire imprudence. Vaincus à Verdun, il semblait que les empires de proie fussent dès lors sur le point d’éprouver l’irrémédiable désastre.

Il faut leur rendre cette justice qu’ils surent se ressaisir encore avec une farouche décision et une rare audace. Hindenburg nommé généralissime et consacré fétiche national ; derrière la popularité grossière de ce grossier soldat, l’habile Ludendorf ourdissant ses plans, tramant ses intrigues, sachant imposer ses vues à l’Empereur et à son triste chancelier ; la mobilisation civile décrétée ; probablement mille manœuvres de corruption tentées un peu partout, notamment en Grèce et dans cette Russie où l’Allemagne avait conservé tant de louches et profitables intelligences ; une presse admirablement dressée à tromper l’opinion publique et à l’entretenir dans les plus invraisemblables illusions : voilà quelques-uns des moyens que le pangermanisme, blessé à mort, imagina pour ajourner, ou, qui sait ? pour conjurer sa ruine. Avouons qu’il s’en est fallu de bien peu qu’ils n’aboutissent. L’honnêteté du Tsar aujourd’hui déchu nous sauva sans doute de la désastreuse paix séparée