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de gloire humaine ; toutes les formes de dévouement et toutes les variétés d’héroïsme ; des chefs magnifiques, et, selon le mot d’un ennemi, le fameux von Klück, des soldats « grandioses, » auxquels on peut tout demander, et qui se sacrifient sans compter ; une organisation à demi improvisée, et qui sait, concilier à merveille l’obéissance et l’initiative ; une lutte âpre, continue, obscure, sans éclat et sans panache, et dont les vraies prouesses sont faites de satisfaction intérieure, de consentement secret au devoir, de renoncement stoïque : voilà Verdun. Il s’est rencontré des amis de la France pour trouver que nous n’avons pas été assez fiers de notre œuvre et pour regretter l’excessive modestie française. Et certes, si l’Allemagne avait remporté sur elle-même et sur ses ennemis une pareille victoire, elle n’eût pas manqué d’en tirer un orgueilleux, un bruyant parti, elle qui a célébré sa défaite à l’égal d’un succès. Mais les faits parlent assez haut d’eux-mêmes, et, comparée surtout à la jactance tudesque, la sobre discrétion de notre attitude, bien loin de nous nuire, n’a fait, aux yeux de l’étranger, qu’ajouter une grâce de plus à la grandeur de notre effort.

Assurément la victoire de la Marne avait provoqué, hors de France, un grand élan de surprise émue et d’admiration respectueuse. Mais quoi ! la victoire de la Marne, c’était encore, ou peu s’en faut, indéfiniment multipliée et élargie d’ailleurs, l’ancienne, la traditionnelle victoire française ; c’était la guerre de mouvement, en rase campagne, celle qui a toujours favorisé notre fougue légendaire. La bataille n’avait du reste duré que huit jours, et nous n’y étions pas seuls, assistés comme nous l’étions de « la méprisable petite armée anglaise. » Mais à Verdun, personne ne nous aidait à soutenir le poids d’une lutte de dix mois, puisque nous avions volontairement décliné l’offre fraternelle de la collaboration britannique. Et cette fois, c’était bien la guerre moderne, avec la brutalité et les raffinemens et les traîtrises de la méthode dite scientifique, la guerre qui paraissait le moins convenir à notre tempérament moral. Or, à ces nouvelles méthodes de guerre qui effrayaient pour nous nos amis, non seulement nous nous sommes pliés et résignés, mais nous avons réussi à les convertir en instrumens de victoire. Nous pouvons dire sans forfanterie, — car, sur ce point, les témoignages spontanés de l’étranger rempliraient tout un volume, — que ce spectacle inattendu a émerveillé le