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et qu’ « un coup formidable avait été porté à la puissance militaire allemande. » L’avenir allait apporter à ces paroles une confirmation singulière.

Si admirables que soient les soldats, — et de l’aveu de tous ceux qui les ont vus à l’œuvre, on n’admirera jamais trop les nôtres, — ils ne prennent toute leur valeur qu’entre les mains de chefs qui sont dignes d’eux. L’armée de Verdun a eu cette bonne fortune d’être commandée par de grands hommes de guerre, de dignes lieutenans du général de Castelnau. Deux d’entre eux ont surgi au premier plan : Pétain, qui, de simple colonel au moment de la mobilisation, est devenu progressivement commandant d’un groupe d’armées, puis généralissime, et qui, partout où il a passé, à la Marne, en Artois, en Champagne, a obtenu des merveilles de ses troupes par son calme, sa fermeté, son indomptable énergie, sa méthode, ses divinations de grand artiste militaire ; Nivelle, colonel lui aussi en août 1914, esprit lucide et inventif qui a su transformer peu à peu en une victoire offensive une action purement défensive : à son sang-froid, à son admirable ténacité nous devons cet immense service de nous avoir conservé Verdun. Autour d’eux, d’autres chefs dont la bravoure et la science inspirent aux hommes l’élan et la confiance, Balfourier, Berthelot, Mangin, — Mangin qui, en Afrique, préparait Verdun, songeant sans relâche aux « inoubliables devoirs. » Et au-dessous d’eux, un corps d’officiers, probablement unique au monde par sa souple et vive intelligence des choses de la guerre, par sa dignité morale, par son humanité et son esprit de sacrifice. Il semble que sur ce sol sacré de Verdun, toutes les plus hautes énergies spirituelles de la France, exaltées au-dessus d’elles-mêmes par les dangers que courait la Patrie, se soient donné rendez-vous pour briser la brutale puissance matérielle de l’orgueilleuse et barbare Allemagne. « Général, — a dit Pétain à Nivelle, — mon mot d’ordre au début de la bataille a été : Ils ne passeront pas. Je vous le transmets. — Entendu, général, ils ne passeront pas. » Ce fut là l’héroïque devise de l’armée de Verdun tout entière.

Grâce à cette communauté de bonnes volontés, de dévouemens et de compétences, les erreurs ou les imprévoyances passées furent assez vite réparées. A défaut des multiples voies ferrées construites par les Allemands, nous disposions d’excellentes routes et d’un très important service de transports automobiles,