Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 40.djvu/587

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’honneur, avec cette merveilleuse faculté d’adaptation et d’assimilation qui le caractérise, à ne se laisser dépasser par aucun autre peuple, à acquérir même les qualités qui passent pour lui faire défaut, à se montrer égal à toutes les circonstances, quelque difficiles qu’elles puissent être. Il croit naïvement qu’ « impossible n’est point français, » et, au besoin, il le prouve. On lui a dit que l’obstination est la faculté maîtresse des Allemands : c’est une supériorité qu’il entend bien leur ravir avec les autres, et puisqu’aussi bien le salut de la Patrie l’exige, il saura lasser l’obstination allemande. D’autre part, l’Allemagne a oublié que le peuple de France est avant tout un peuple de paysans, et plus particulièrement encore l’armée française, aujourd’hui surtout que tant d’ouvriers sont rentrés aux usines de guerre qu’ils n’auraient jamais dû quitter. Or, de tout temps, — voyez ce qu’en dit Montaigne, — le paysan français s’est distingué par des qualités de patience un peu têtue, de stoïque endurance, de ténacité laborieuse. Il suffisait de faire appel à ces vieilles vertus héréditaires, pour les retrouver intactes et pour leur faire rendre tout leur effet. C’est ce qui est arrivé. Avec une inlassable, une héroïque patience, nos soldats ont supporté la pluie de fer et de feu que l’artillerie allemande déversait sans cesse sur leurs positions ; ils ont résisté aux brutales attaques multipliées qui menaçaient de tout emporter, le plus souvent ils les ont brisées. Quand, par hasard, ils étaient forcés de reculer, de céder du terrain, des positions, ou des ruines, ils ne tardaient pas à revenir à la charge, à reprendre hardiment ce qu’ils avaient dû abandonner ; et autant la défense française avait été longue, acharnée, tenace, autant la reprise était, presque toujours, rapide et brillante. Preuve manifeste que l’ancienne flamme n’était pas éteinte, qu’elle couvait toujours sous la cendre, qu’à se contenir, à se maîtriser, à se convertir en une sorte de passivité souffrante, elle n’avait rien perdu de sa première ardeur. Le soldat français a su vaincre en obstination le soldat allemand, sans cesser d’être le fougueux et irrésistible guerrier de sa propre légende.

De combien de traits d’héroïsme individuel ou collectif se compose l’histoire de la résistance française à Verdun, il faudrait être un Michelet pour le dire, ou, mieux encore, un Victor Hugo, — car c’eût été na guerre, à Victor Hugo, qu’une guerre