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forces alliées se resserrer autour d’elle, désireuse de le rompre enfin, d’écarter la main de fer qui, de plus en plus inexorable, la prenait à la gorge, l’Allemagne se décida à tenter encore une fois la fortune contre son u principal ennemi. » Et pressée, « forcée » d’en finir, elle fonça sur Verdun.


II

Le projet datait de loin, puisqu’on mit plus d’un an à en préparer l’exécution. Il avait comme tous les projets allemands ce caractère de lourde complexité qui les oppose généralement à la simplicité directe des idées françaises. C’était tout d’abord une opération dynastique : il s’agissait de rehausser, par une grande victoire, le prestige personnel de l’héritier des Hohenzollern. On se proposait d’autre part de rééditer à nos dépens la célèbre manœuvre napoléonienne de Friedland, de couper les ponts de Verdun et de capturer toute une armée française. On voulait aussi, sinon se rouvrir la route de Paris, tout au moins mettre définitivement à l’abri d’une tentative de nos troupes cette riche région de Briey dont l’annexion est si âprement revendiquée par la métallurgie allemande. On espérait bien d’ailleurs, en prenant les devans, paralyser et faire avorter nos desseins d’offensive générale, et l’on avait des raisons de penser que toutes les précautions n’avaient pas été prises pour défendre contre de violens assauts répétés une place forte qui passait pour imprenable. Enfin, et peut-être surtout, Verdun était un symbole pour l’imagination germanique : Verdun, vieille ville impériale, où se partagea l’empire de Charlemagne, où entra l’armée prussienne en 1792, l’armée saxonne en 1870, Verdun avait jusqu’alors défié tous les desseins de l’envahisseur. Il fallait abattre l’orgueilleuse cité guerrière, « la plus puissante forteresse » de « l’insolente nation. » Si Verdun n’était pas le « cœur, » c’était bien le boulevard avancé de la France. Amplifiée, proclamée aux quatre coins de l’horizon, une retentissante victoire de Verdun effacerait sans aucun doute l’impression produite par la défaite de la Marne : la redoutable infanterie de l’armée d’Allemagne retrouverait intacte sa réputation d’invincibilité, un moment éclipsée.

Pour lui préparer les voies, à cette infanterie, on avait eu recours à tous les procédés que la guerre « scientifique » d’à