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l’avenir de notre race, et non seulement son honneur, mais son existence même sont suspendus aux lourdes minutes de cette guerre inexorable. » Et quand il a repoussé dédaigneusement l’idée d’ « une paix précaire, trêve inquiète et fugitive entre une guerre écourtée et une guerre plus terrible ; » quand il a répété que « la victoire finale sera le prix de la force morale et de la persévérance, » il ne faisait que traduire dans sa langue robuste et nerveuse la pensée commune de tout un peuple.

La force morale ! Elle allait bientôt nous devenir plus nécessaire que jamais. Si nos alliés russes finissaient par enrayer l’offensive allemande, ils n’étaient plus assez forts, — au moins provisoirement, — pour paralyser certaines trahisons et écarter certaines menaces. Or, à l’Orient, s’amoncelaient de noirs nuages : déçue dans ses ambitions, exaspérée dans ses rancunes, la Bulgarie n’attendait qu’une occasion pour se retourner contre ses alliés de la veille et ses bienfaiteurs de toujours : elle crut la trouver, elle la saisit. La Serbie abandonnée par la Grèce, attaquée d’autre part par la coalition germanique, allait connaître une fois encore les horreurs de l’invasion.

Il fallait essayer d’empêcher ce nouveau désastre. Le jour même où l’on apprenait en France la mobilisation bulgare, le général commandant le corps expéditionnaire d’Orient recevait l’ordre d’envoyer par Salonique une division au secours des Serbes. Et quatre jours après, l’offensive franco-anglo-belge commençait.

On crut un moment qu’elle allait réussir à percer les lignes adverses et à libérer notre territoire. Elle avait été longuement et minutieusement préparée en tenant compte de toutes les expériences antérieures. Les ordres du jour et les communications du généralissime aux troupes étaient de nature à leur inspirer la plus enthousiaste confiance ; elles savaient que « des forces considérables » et « des moyens matériels puissans » avaient été lentement accumulés, qu’il s’agissait, comme à l’époque de la Marne, « de vaincre ou mourir, » et « non pas seulement d’enlever les premières tranchées ennemies, mais de pousser sans trêve, de jour comme de nuit, au delà des positions de première et de deuxième ligne, jusqu’au terrain libre, » « jusqu’à l’achèvement de la victoire. » « Votre élan sera irrésistible, » leur avait-on dit. De telles paroles ne pouvaient «  manquer d’élever leur moral à la hauteur des sacrifices qui