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LE MIRACLE FRANÇAIS

II [1]
TROIS ANS APRÈS

Elle dure encore, après trois ans, la grande, l’effroyable guerre. Des peuples de plus en plus nombreux jettent sans compter dans la fournaise ardente leur sang, leur or, les richesses de leur sol et les espérances de leur labeur. Demain, peut-être, l’incendie aura gagné de nouvelles régions pacifiques. Et bien qu’à divers signes on puisse entrevoir que le dénouement de la sombre tragédie approche, nul ne saurait prédire l’heure exacte où succombera, sous les coups de l’univers civilisé, la grande Barbarie occidentale. Puisque c’est contre nous, « son principal ennemi, » qu’elle a dirigé son principal effort, comment, après l’avoir brisé une première fois, l’avons-nous usé lentement, infatigablement, inexorablement, au prix de quotidiens et obscurs sacrifices ? Comment la France triomphante est-elle devenue la France endurante ? Comment le miracle français, dont la soudaine révélation avait émerveillé le monde, s’est-il si longtemps prolongé, soutenu, poursuivi sans défaillance ?


I

Le printemps de 1915 s’ouvrait plein d’espérances. Le premier hiver des tranchées avait été dur, mais on oubliait ses misères. Przemysl avait capitulé, et l’on s’attendait à l’invasion de la

  1. Voyez la Revue du 15 avril 1915.