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souillés, leurs cités détruites et se montraient dignes de leurs pères, ces gens des Flandres et de Wallonie qui toujours avaient fait échec aux tyrans. Consentant par surcroit à livrer leurs terres à la mer, ils s’égalèrent à ces fiers Hollandais qui, au XVIIe siècle, avaient sauvé leur pays par un grand sacrifice. Et leur Roi qui s’était couvert d’honneur un jour, en se jetant au travers de la trahison, se couvrit de gloire en mettant dans la main d’un Foch une main loyale qu’une infortune magnifique ne fit jamais trembler.

Que dire de nos soldats ? La Marne — après d’autres combats — avait derechef fait éclater leur valeur. Mais, dans cette grande bataille stratégique, aux vastes mouvemens, s’ils s’étaient certes sentis des vainqueurs, le corps à corps y avait été rare avec l’ennemi abhorré. En Flandre, — au cours de cette mêlée sans précédent et que seule la bataille de Verdun devait dépasser, — ils saisirent l’Allemand à la gorge. Ce furent des combats épiques, fabuleux. Des fusiliers marins de l’amiral Ronarc’h et des soldats de Grossetti à ceux qui vinrent ensuite, tous sortirent de là si pleins d’orgueil que leur valeur en était doublée. « Nous avons eu à Poelcappelle cinq régimens de la Garde prussienne qui, les uns après les autres, sont venus se briser contre le 66e, » écrit fièrement un soldat. — « Le 9e corps a tenu en échec pendant vingt jours 350 000 Allemands. » Ce jeune soldat peut exagérer les chiffres : qu’importe ! Tous comme lui sentent qu’ils ont, par un magnifique ensemble de vertus, gagné une grande partie.

Ils l’avaient gagnée. Le 30 octobre, quand de Ramscapelle, où l’Allemand semble rompre la dernière défense au Nord, à la crête d’Ypres, que 300 000 Allemands assaillent, tout semble céder, l’Empereur parait. L’horizon s’ouvre devant lui. La Marne va avoir sa revanche. Il attend à Thielt les nouvelles. Ypres où il entrera demain sera la première étape ; Calais marquera la seconde, Calais que toute l’Allemagne dit menacé. Le 5 novembre, l’Empereur rentre en Allemagne. C’est la seconde déception, — cruelle, — et il n’en éprouvera pas de plus grande jusqu’à l’heure où, derrière Douaumont, il verra Verdun échapper à son étreinte.

Les pertes ennemies étaient, cependant, immenses. Un officier allemand avouait, dès le 2 novembre, que le bruit courait que la bataille coûtait près de 300 000 hommes à leur armée. Le même