Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 40.djvu/541

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

élevée entre l’Allemand et les ports du Nord, l’Angleterre couverte contre toute entreprise, un résultat inappréciable encore : l’amitié confirmée entre les trois armées alliées, cimentée par les services réciproques, le compagnonnage des armes, le loyal concours, les communes ardeurs et les communs succès. De ce champ de bataille des Flandres, l’Entente sort affermie : les trois drapeaux ont flotté sur le même sol inondé des trois sangs. Hier encore, visitant les cimetières où, côte à côte, dorment, sous les cocardes confondues, les vainqueurs des Flandres tombés en les défendant, j’ai senti mon cœur s’émouvoir et j’ai mieux compris la cordiale affection qui, au cours de cet inoubliable pèlerinage, m’apparaissait dans les yeux et la forte poignée de main de nos alliés.

Chacune de ces armées, par surcroît, avait appris à se connaître elle-même. « Jamais les soldats anglais, écrivait le maréchal French, n’ont eu à remplir une tâche aussi dure et, de toute leur splendide histoire, ils n’ont jamais répondu d’une plus belle façon à l’appel désespéré qui leur a été fait. » La campagne de France, jusque là, ne leur avait point, à ces soldats britanniques, donné conscience de leur valeur, — cette ténacité qui, devant Ypres, trouva sa plus belle expression, — de ce Douglas Haig dont French disait : « Merveilleuse opiniâtreté et courage indomptable, » à ces soldats du régiment Worcestershire au souvenir desquels le vieux maréchal semble près de s’attendrir.

Les Belges sortaient de ces combats avec une autre fierté : leur Roi leur avait dit : « Notre honneur national est engagé. Envisagez l’avenir avec confiance, luttez avec courage. » En lisant l’article admirable que l’un de leurs compatriotes, Pierre Nothomb, consacrait à l’Yser, en étudiant les péripéties de la lutte dans les rapports des témoins, je ne pouvais qu’admirer leur bravoure survivant à leurs forces. Ils étaient fatigués, meurtris, comme écrasés déjà en arrivant sur l’Yser. Lorsqu’ils fléchirent, c’est que la résistance physique a des limites ; lorsqu’ils tinrent, c’est que la résistance morale peut n’en pas connaître. On peut examiner l’hypothèse d’une retraite au-dessus d’eux ; eux ne la désiraient pas et se battaient bravement où on les fixait et où on les jetait. Ce fut aux cris de : Louvain ! Termonde ! qu’un jour très critique, ils chargèrent les bourreaux de la Belgique, ils vengeaient leurs frères torturés, leurs foyers