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prêts à le seconder : un Grossetti d’abord, un Dubois, un Humbert, un Lanquetot, un Conneau, un Milry, et, sous eux, la pléiade des hauts officiers qui, dans les Flandres, fondèrent leur fortune et leur réputation militaires. Et cette armée française constituée peu à peu, par morceaux, par bribes, si elle ne réalisa pas le plan initial, en remplit un mille fois plus difficile. Jetées au feu parfois une heure après leur débarquement, ces troupes furent promenées de la mer à la Lys avec une incomparable aisance, au gré des nécessités de la bataille, ici, revenant brusquement des Dunes où elles avançaient, vers tel point de l’Yser où l’ennemi a percé la ligne alliée, là portées en quelques heures derrière telle crête que, en avant d’Ypres, l’Allemand escalade. Avant même que l’ordre vienne de haut, on verra tel général français renoncer avec une abnégation faite d’esprit autant que de cœur, à un succès offensif certain, — Grossetti ici et Dubois là, — pour secourir l’allié menacé. Hier, sur la Marne, c’était, je l’ai jadis montré, parmi les chefs français, Gallieni, Maunoury, d’Esperey, Foch, Langle de Cary, Sarrail que la solidarité entraînait la victoire ; aujourd’hui c’est de chef allié à chef allié qu’elle s’exerce. Et une incroyable souplesse au service d’une belle énergie permet ces rétablissemens de situation dont, après coup, l’heureux effet se manifestera au profit de tous.

Les chefs alliés le reconnaissaient. Il serait impertinent de leur en faire un honneur. Mais comment ne pas rappeler après les témoignages touchans de la reconnaissance émue du roi Albert, ces lettres que les grands chefs anglais adressaient, le lendemain de la bataille, aux grands chefs français, du général Haig écrivant : « J’ai constaté et désire signaler le concours rapide et efficace que les soldats français de tous grades, combattans avec le 1er corps, ont apporté aux troupes anglaises pour coopérer avec elles à la défaite de l’ennemi commun », au maréchal French qui, transmettant cette lettre, ajoutait : « Pendant tout le temps de cette campagne, si différente à tout point de vue de celles que l’Histoire a enregistrées, il y a un facteur qui a été le gage le plus constant de nos succès, c’est le sentiment d’amitié et de coopération loyale qui existe entre nos deux armées. »

Ce fut, après les grands résultats de cette bataille : l’arrêt définitif de l’ennemi à notre gauche, la conservation au roi des Belges du territoire arrosé du sang des trois armées, la barrière