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conseils du général français — la veille simple commandant de corps — devenaient vite des ordres sous la plume d’un Roi plein de cœur et d’un vieux soldat, maréchal d’Angleterre.

Ce qu’il a conçu ? Ceci :

Le meilleur moyen de briser l’offensive allemande, c’est de ne jamais renoncer à l’offensive alliée. Aux premiers jours d’octobre, il l’a, cette offensive, conçue très belle, très large, très puissante, qui, allant chercher jusque dans la Belgique conquise l’ennemi qui l’a envahie, s’efforcerait de lui arracher sa proie. Lorsque la chute d’Anvers et quelque lenteur dans l’installation des Anglais en Flandre l’ont obligé à y renoncer, il saisit les morceaux de ses plans, en refait un plan. Le chemin n’est plus libre vers Anvers et Bruxelles, plus libre bientôt vers Bruges et Gand, mais ne pourra-t-on recueillir l’armée belge, la rejeter à la reconquête, soutenue, flanquée, encadrée par les troupes anglo-françaises ? Et le jour où ce second projet parait encore impraticable, il maintient cependant son idée d’offensive. Elle se fera, pour le début, plus modeste, se contentant de déborder par Westende dans la direction de Ghistelles, par Woumen, dans la direction de Thourout, par Roulers dans la direction de Thielt, l’ennemi qui s’avance. Et même quand celui-ci se révélera trois fois plus nombreux qu’on ne l’avait pu penser, le général français entend garder l’arme, la pointe en avant, vers Roulers, car si de Dixmude à Langemarck, nous avons notre défaut, l’Allemand peut être, en avant de ce défaut, lui aussi coupé en deux. Au pire, et l’offensive serait-elle sans cesse arrêtée, qu’on la devrait toujours reprendre, car grâce à elle le flanc droit des Belges, le flanc gauche des Anglais seront préservés des pires surprises.

Pour cette bataille française au milieu de la bataille générale, il lui faut des troupes et un homme. Il trouve l’homme avant même que les troupes soient là. L’homme doit être avant tout un énergique, beau soldat, qui, payant de sa personne, ait aussi le droit de parler ferme à ses lieutenans, chef incapable d’une défaillance même dans l’optimisme, confiant dans la fortune, entêté dans l’infortune, estimant possible toute entreprise, réparable tout échec, — et le soldat français capable de tout miracle. Cet homme sera le général d’Urbal. Dans cette main musclée qui, pas un instant, ne sentira la fatigue, Joffre mettra des chefs dignes de le comprendre, et par conséquent