Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 40.djvu/535

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans la région de Poelcappelle, presque complètement anéanti : « Le 10, écrivait un des soldats, nous avons lancé un assaut où presque tout le bataillon a été nettoyé. Dans ma compagnie, en une heure, tout est tombé, sauf un officier et 50 hommes. »

Le 13, la pluie se mit à tomber ; les tranchées se remplissaient d’eau. De part et d’autre, on éprouvait le sentiment, exprimé par un soldat, — cependant bien courageux, — de notre 66e d’infanterie : « Quel enfer ! quel cauchemar ! écrit-il le 14. Nous sommes prêts à sacrifier notre vie, mais les balles et les obus ne sont rien à côté de l’eau. »

Le temps, à la vérité, se gâtait de jour en jour et le coup de surprise tenté par les Allemands était manqué : la Garde s’y était crevée. Il n’est donc pas étonnant que, le 13, tout parût se calmer. Le 12 avait été pour l’ennemi une mauvaise journée. Le 32e corps renforcé de régimens belges (10 bataillons) avait repoussé toutes les tentatives faites par les Allemands pour franchir l’Yser à Dixmude. Par ailleurs, l’ennemi était, le même jour, rejeté de l’autre côté du canal ; il ne gardait sur la rive gauche que cette Maison du Passeur, autour de laquelle, les semailles suivantes, les deux partis allaient s’acharner. Le 13, encore, la 18e division reprenait le carrefour de Broodsinde ; le 14,1e 15, on repoussait deux attaques faites pour le reprendre, — et on les repoussait « facilement. » L’ennemi manifestement défaillait : le général Olleris faisait, le 14, prisonnier tout ce qui restait d’un bataillon de 1 000 hommes.

On ne songeait plus qu’à s’organiser sur les positions maintenues ou reconquises. On organisait les secteurs, les Anglais abandonnant le front d’Ypres à l’armée de Belgique devenue 8e armée. L’ennemi semblait abandonner l’idée d’enlever la ville et, par là, renoncer à son plan de déborder notre aile gauche. Le 17, certains prisonniers affirmaient bien encore qu’avant de s’avouer vaincus, leurs compatriotes tenteraient un grand coup. Ces gens retardaient ; la seule opération — coup de queue du requin saigné — était l’effroyable bombardement de la charmante cité. N’ayant pu crever nos lignes, l’ennemi, suivant la barbare et inepte coutume inaugurée à Reims après la défaite de la Marne, crevait les monumens précieux au regard tout ensemble de la foi, de l’art et de l’histoire. Les Allemands, n’ayant pu entrer à Ypres, l’incendiaient. Et c’était bien le plus formel aveu de défaite. La cathédrale Saint-Martin,