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le traître Ricklin et le rallié de la première heure Hœffel, acceptent de prononcer des discours qui resteront la honte de leur vie parlementaire, pourtant déjà si riche en défaillances. Qu’arrive-t-il ? Pendant qu’ils parlent, les salles de séances se vident. Ils parlent devant les banquettes que les députés ont désertées. Les deux évêques de Strasbourg et de Metz (ce sont pourtant des Allemands) refusent de déclarer que leurs diocésains veulent à tout prix rester sujets de l’Empire. Leur conscience leur interdit de proférer ce mensonge. Une fois de plus la grossière manœuvre, préparée par les metteurs en scène de Berlin, ne donne que des résultats négatifs.

Et tandis que, derrière la ligne de feu, les civils donnent ces preuves éclatantes de leur attachement à la France, 20 000 jeunes hommes, qui ont réussi à passer la frontière avant l’ouverture des hostilités ou à s’évader de l’armée allemande, servent volontairement sous les drapeaux de la République. Les Allemands se méfient de ceux qui, surpris par les événemens, ont dû endosser l’uniforme détesté. Ordre est donné par les généraux de les tenir rigoureusement éloignés de tout poste de confiance. On ne les envoie bientôt plus sur le front français, parce qu’ils y cherchent et y trouvent trop d’occasions de déserter. Les officiers qui les commandent sur le front oriental ont ordre de les placer toujours au premier rang, et, en cas d’attaque, on les encadre solidement pour prévenir toute défection.

Voilà l’Alsace-Lorraine, la vraie, celle qui, depuis tant d’années, n’a connu aucune abdication.

Jamais on n’aura assez d’admiration pour ce peuple merveilleux. C’est à lui, et à lui seul, collectivité anonyme, dont les souffrances ne seront jamais décrites, dont l’héroïsme ne connaîtra pas la gloire des apothéoses individuelles, que je demande aux Français de réserver leur admiration et leur reconnaissance. Je l’ai vu à l’œuvre, j’ai pu personnellement surprendre les délicatesses de son esprit et de son cœur, et j’accomplis aujourd’hui un devoir de justice en disant : « Le peuple alsacien-lorrain, pris dans son ensemble, a tenu plus que ne promettaient ses représentans, aux heures douloureuses de la séparation en 1871, et, malgré les pires persécutions, il