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à présent préparée, de la société des nations. Confiante dans le gouvernement pour assurer ces résultats, par l’action coordonnée, militaire et diplomatique, de tous les alliés, elle repousse toute addition et passe à l’ordre du jour. »

Cet ordre du jour, confirmé par celui du Sénat, a trouvé une éclatante confirmation dans le discours prononcé par le président du conseil, M. Ribot, au banquet franco-américain du 4 juillet 1917, où nous trouvons le passage suivant :

« En même temps qu’ils (les États-Unis) entraient dans la lutte, ils ont défini par l’organe du président les conditions de la paix future de telle façon que l’accord s’est fait tout aussitôt entre eux et nous de la manière la plus complète. S’agit-il de cette question d’Alsace-Lorraine, qui tient si fort à notre cœur, les États-Unis ont compris qu’aucun sophisme ne pourra nous empêcher de revendiquer le bien qui nous a été ravi par un abus de la force et qu’il n’est besoin d’aucune consultation pour nous créer un titre à cette revendication. La protestation des représentans de ces provinces arrachées à la France résonne aujourd’hui avec la même force qu’il y a quarante-cinq ans. Voilà un procès jugé. »

Cette déclaration était nécessaire. En effet, quelques vagues théoriciens du pacifisme avaient, durant les dernières semaines, accepté l’idée d’un plébiscite comme condition préalable du retour de l’Alsace-Lorraine à la France. Ils reconnaissaient d’ailleurs eux-mêmes les difficultés contre lesquelles se butterait la réalisation de leur plan.

Quels seraient les électeurs autorisés à prendre part à la consultation populaire ? Permettrait-on aux Allemands immigrés, établis dans les provinces annexées, de voter au même titre que les habitans autochtones du pays ? (Ils représentent un peu plus du cinquième de la population, 400 000 sur 1 million 800 000 âmes.) Et puis, ne serait-il pas juste de recueillir les voix des Alsaciens-Lorrains, qui, pour se soustraire au joug de l’Allemagne, avaient d’avance émis leur vote en émigrant ? Or, c’est par centaines de mille qu’on compte ces amis de la France, qui ont jadis tout sacrifié, fortune, situations, relations de famille et d’amitié, à leur patriotisme. Deux cent mille Alsaciens-Lorrains quittèrent leur pays avant le 31 décembre 1872.