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L’ALSACE-LORRAINE À LA VEILLE DE LA DÉLIVRANCE.

s’embarrassent encore des clauses du traité de Francfort, le peuple a, depuis le 2 août 1914, considéré ce traité comme virtuellement aboli. La France n’avait pas recherché ce conflit, elle l’avait si peu voulu qu’elle s’y était imparfaitement préparée, malgré la menace qui sans cesse grandissait à l’Est. Mais, du jour où, malgré son amour pour la paix, elle fut contrainte de tirer l’épée par la plus sauvage des agressions, elle se dégagea des liens qui l’entravaient depuis l’Année terrible. Elle ne proclamait certes pas que les traités ne sont que des chiffons de papier ; mais elle ne se croyait plus tenue à respecter ceux que l’ennemi avait lui-même déchirés.

Aussi, dès le mois de septembre 1914, le généralissime français, s’adressant aux maires des communes alsaciennes occupées par les troupes françaises, leur disait : « Vous êtes Français pour toujours. » Et, à quelques semaines de là, le président de la République employait la même formule. Pour les soldats du front, comme pour les civils de l’arrière, la paix avec l’Allemagne ne sera possible qu’après le retour de l’Alsace-Lorraine à la France, l’Alsace-Lorraine de 1792, pas celle de 1871, soit dit en passant, car quatre-vingts ans de servitude supplémentaire ne comptent pas dans la vie des peuples et la prescription ne saurait couvrir les vols organisés par des collectivités.

Innombrables ont été les manifestations de l’opinion publique. Je ne retiendrai que l’ordre du jour qui, après de longues séances en comité secret, a été voté par la Chambre française, par 453 voix contre 55, au mois de juin dernier :

« La Chambre des députés, expression directe de la souveraineté du peuple français, adresse à la démocratie russe et aux démocraties alliées son salut. Contresignant la protestation unanime qu’en 1871 firent entendre à l’Assemblée nationale les représentans de l’Alsace-Lorraine, malgré elle arrachée à la France, elle déclare attendre de la guerre qui a été imposée à l’Europe par l’agression de l’Allemagne impérialiste, avec la libération des territoires envahis, le retour de l’Alsace-Lorraine à la mère-patrie et la juste réparation des dommages. Éloignée de toute pensée de conquête et d’asservissement des populations étrangères, elle compte que l’effort des armées de la République et des armées alliées permettra, le militarisme prussien abattu, d’obtenir des garanties durables de paix et d’indépendance pour les peuples, grands et petits, dans une organisation, dès