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Prusse-Allemagne (Preussen-Deutschland) tout entière. Car les socialistes, ceux du Sud, comme ceux du Nord, élèvent les mêmes prétentions. Voici en effet ce qu’on lit dans les journaux d’outre-Rhin : « Si nous n’avions pas disposé du fer des mines de Lorraine, nous n’aurions pas pu tenir plus de six mois. La potasse de la Haute-Alsace est indispensable à l’agriculture et à la fabrication des munitions. Nous ne saurions l’abandonner à nos ennemis d’aujourd’hui, à nos rivaux de demain. Et que serions-nous devenus si nous avions été privés des pétroles de Pechelbronn ? Ce n’est certes pas par amour pour les Alsaciens-Lorrains que nous avons annexé leur pays. Nous ne leur demanderons pas davantage s’il leur convient que nous le gardions. »

Cet article de la Gazette du Rhin et de Westphalie a l’avantage de bien poser le problème. Il nous donne la clé de toute la politique prussienne. Le fer de Briey permettrait de développer l’industrie métallurgique de l’Allemagne. Donc les Allemands sont en droit de s’en emparer. Le blé de la Lithuanie et de la Pologne russe est nécessaire à l’alimentation des sujets de Guillaume II. Donc l’Empire est parfaitement autorisé à se l’assurer. Ce raisonnement de pillards traîne dans toutes les gazettes allemandes. Il est accessible à toutes les intelligences et cela nous explique comment, non seulement les intellectuels, mais encore et surtout les masses populaires, l’ont fait leur.

L’Alsace-Lorraine, il faut le reconnaître, est un morceau de choix. Les mines de fer du bassin de Thionville ont fourni aux Allemands près de 80 pour 100 de la fonte et de l’acier dont ils se sont montrés si prodigues pendant la guerre actuelle. On estime entre 40 et 60 milliards la valeur des gisemens de potasse du Haut-Rhin. Privé de ces ressources prodigieuses, l’empire germanique verrait sa puissance industrielle décliner rapidement. Quant à la France, elle trouverait, dans ces mines nationalisées, le moyen de récupérer une forte part de ses dépenses de guerre.

Tout concorde donc pour justifier le retour à la patrie des provinces qui lui furent arrachées : l’origine ethnique de la population autochtone, l’histoire et l’intérêt national.

L’âme populaire française l’a fort bien compris dès les premiers jours de la guerre. Si quelques diplomates attardés