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L’ALSACE-LORRAINE À LA VEILLE DE LA DÉLIVRANCE.

vendus par le traité de Francfort, nous protestons contre l’abus de la force dont notre pays est victime…

« Arguerez-vous de la régularité du traité qui consacre la cession, en votre faveur, de notre territoire et de ses habitans ? Mais la raison, non moins que les principes les plus vulgaires du droit, proclame qu’un semblable traité ne peut être valable. Des citoyens ayant une âme et une intelligence ne sont pas une marchandise dont on puisse faire commerce ; et il n’est pas permis dès lors d’en faire l’objet d’un contrat. D’ailleurs, en admettant même, ce que nous ne reconnaissons pas, que la France eût le droit de nous céder, le contrat que vous nous opposez n’a pas de valeur. Un contrat, en effet, ne vaut que par le libre consentement des deux contractans. Or, c’est l’épée sur la gorge que la France, saignante et épuisée, a signé notre abandon. Elle n’a pas été libre ; elle s’est courbée sous la violence, et nos codes nous enseignent que la violence est une cause de nullité pour les conventions qui en sont entachées. » (Séance du Reichstag, du 18 février 1874.)

Ici de nouveau le problème est posé avec une netteté saisissante. Le traité de Francfort ne saurait avoir aucune valeur : d’abord parce que les Alsaciens-Lorrains n’acceptent pas la contrainte qu’il leur impose, et puis parce que la France n’avait pas signé ce traité en toute liberté. Toute la théorie des droits qu’ont les peuples de disposer d’eux-mêmes, cette théorie qui est aujourd’hui celle de toutes les nations alliées, se trouve formulée dans la déclaration de Teutsch et de ses collègues.

Reconnaissons que les Allemands ont fini par ne plus insister sur leurs droits historiques. À mesure que leurs ambitions se développaient et qu’il leur devenait plus malaisé de les accorder avec les données de l’histoire, ils ont, avec une souveraine impudeur, créé une nouvelle doctrine : les peuples à forte natalité, surtout lorsqu’ils sont doués du génie de l’organisation, peuvent et doivent déborder les frontières, entre lesquelles ils étouffent, pour mettre en valeur les richesses que les peuples sans enfans ne sauraient exploiter normalement.

C’est au nom de cette doctrine que la Prusse prétend aujourd’hui n’abandonner, sous aucun prétexte, les territoires qu’elle a conquis en 1871. Et quand je dis la Prusse, j’entends bien la