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pation allemande du pays, ils allaient au-devant d’un échec éclatant. En revanche, l’épithète de protestataire, que la presse gouvernementale prodiguait aux candidats de l’opposition, loin d’être nuisible à ceux-ci, était pour eux la meilleure recommandation. On peut donc affirmer, sans crainte d’être contredit, que la politique de répression inaugurée et suivie par les autorités allemandes en Alsace-Lorraine, n’avait donné que des résultats absolument négatifs.

Et pourtant, avec leur habituelle lourdeur d’esprit, les germanisateurs professionnels des provinces annexées ne cessaient pas de répéter inlassablement les argumens qu’ils croyaient de nature à exercer une action sur les sentimens des « frères retrouvés. » On a souvent cité, durant les derniers mois, la phrase célèbre de Frédéric II : « Je commence par m’emparer d’une province, il se trouvera toujours des pédans pour établir ensuite que j’en avais le droit. » Les Allemands ont procédé de même en Alsace-Lorraine. Ils ont d’abord occupé le pays, puis ils ont tenté de prouver que, par droit ethnique et par droit historique, nos provinces leur appartenaient.

Que de fois n’avons-nous pas lu, dans les journaux d’outre-Rhin, que les habitans de l’Alsace-Lorraine étaient de race germanique ? Rien de plus inexact. La population de nos provinces est celto-ligurique. La prédominance marquée des crânes brachycéphales, des yeux et des cheveux noirs, comme aussi du développement de la cage thoracique ne laisse aucun doute à ce sujet. Quelques savans allemands ont daigné le reconnaître. Quant au dialecte alémanique, parlé par une partie des habitans de l’Alsace, son emploi s’explique par l’évolution historique du pays. Il fut un temps où le même dialecte se parlait à Toul, à Verdun, à Montbéliard, dont les habitans l’ont complètement désappris, ce qui prouve que la langue parlée ne saurait être invoquée comme un signe certain des origines de race.

L’argument historique, dont les Allemands abusent, est tout aussi fragile. Le Rhin fut, jusqu’au traité de Verdun, la frontière naturelle de la Gaule et de la Germanie. Les hasards du partage de l’empire de Charlemagne entre ses trois héritiers en disposèrent autrement ; mais il n’en reste pas moins vrai que