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fonction de l’avion de réglage et parce qu’ils le protègent chez nous et le détruisent chez l’ennemi.

Sur la plus grande partie du front de France, le terrain n’est pas suffisamment accidenté pour que les observatoires terrestres, même aux points culminans, aient des vues assez étendues pour épuiser la limite de la visibilité, et la ligne sèche d’un horizon borné vient rapidement mettre un trait final aux velléités indiscrètes des observateurs. D’autre part ce n’est pas nous partout qui tenons ces points culminans ; c’est par endroit l’ennemi, et pourtant le problème reste toujours le même et plein d’angoisse shakspearienne : Voir ou ne pas voir, voilà toute la question ; car pour l’artilleur c’est cela qui est être ou ne pas être.

Tout cela a donné un développement imprévu à un mode d’observation et de réglage du tir qui n’a ni la sécurité de l’observation terrestre, car il dépend un peu des vicissitudes atmosphériques, ni la vue très lointaine de l’avion, mais qui a plus de champ que celle-là et plus de sûreté de visée que celui-ci à cause de son immobilité : je veux parler des ballons-observatoires.

Si je ne me trompe, c’est il y a plus d’un siècle, à Fleurus qu’on employa pour la première fois un ballon à l’observation du champ de bataille. Ainsi fut trouvé, suivant l’expression d’un citoyen de l’époque, « le moyen de porter sans cesse des yeux observateurs sur les manœuvres de l’ennemi. »

La France créatrice de la navigation aérienne avec Montgolfier et Charles inventait ainsi l’aérostation militaire. Malgré cela, et comme il est arrivé trop souvent dans trop de domaines, nous nous étions un temps laissé dépasser dans cette voie ouverte par nous ; et au début de la présente guerre — on peut bien le dire maintenant que nous avons regagné sur ce point notre avance — les Allemands avaient des ballons d’observation très supérieurs au nôtre.

Le ballon sphérique, qui seul était jusqu’à la guerre utilisé par notre armée, est le jouet des moindres brises qui tendent à le coucher vers le sol, diminuent son altitude et lui donnent un mouvement d’oscillation qui rend toute visée précise impossible, d’autant qu’il tourne continuellement au bout du long câble qui l’amarre. Aussi l’officier observateur placé dans la nacelle de cette flottante bouée aérienne n’a aucune fixité dans sa direction de visée et dans les points de repère qui lui permettraient de régler le tir.

Pour échapper à ces inconvéniens qui rendaient presque impossible le réglage par ballon des tirs d’artillerie, puisque le moindre