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pour déterminer la hausse et la dérive du moment est moins transcendante peut-être sur le papier, moins artistotélicienne et moins propre à satisfaire les amans des complications numériques et des élégances algébriques ; elle est aussi peut-être un peu plus coûteuse en elle-même ; mais elle est certainement plus sûre dans ses résultats et par là elle redevient la plus économique en abrégeant mieux la dépense des munitions utiles aux réglages : c’est la méthode expérimentale de notre bon maître Bacon. Pour connaître les écarts de la dérive et de la hausse du moment, elle consiste tout simplement à tirer des coups de canon sur des points dont la dérive et la hausse sont connus, d’après la carte, et à voir, à observer de combien on s’en écarte dans les deux sens.

Il importe le plus souvent, pour ne pas avertir l’ennemi, que ces coups de canon de sondage ne soient pas tirés vers les points sur lesquels le tir doit être réglé, et en admettant même que ces points soient observables. Mais il y a plusieurs moyens pour tourner la difficulté.

Le plus simple consiste à tirer quelques coups sur un but de position bien déterminée sur la carte, dit but auxiliaire, distinct da but définitif, mais qui n’en soit pas trop éloigné (pas de plus d’un quart environ en distance et en dérive angulaire). Ce but auxiliaire peut être une haie, une croisée de route, un arbre, un point bien déterminé du terrain. En comparant la hausse et la dérive théoriques à celles qui correspondent à un tir réglé sur ce but auxiliaire, on a pour lui les écarts de dérive et de hausse du moment, qu’une simple règle de trois permet de transposer immédiatement au cas du but définitif. Il me souvient à ce propos, et pour illustrer d’un exemple concret ce qui précède, que pendant longtemps devant Saint-Mihiel, nous avons utilisé comme but auxiliaire une petite maison située presque au sommet du Camp des Romains et que nous appelions la « maison des officiers » parce qu’un jour un coup de canon de ces tirs préliminaires bien assené devant la porte en avait fait sortir précipitamment plusieurs officiers allemands dans des poses peu avantageuses. Une fois les corrections déterminées par le tir préalable sur la « maison des officiers, » on pouvait presque immédiatement tirer avec exactitude sur les batteries que nous avions repérées topographiquement par le son derrière la masse somptueuse du Camp des Romains qui les masquait de la vue.

Une telle opération s’appelle un transport de tir

Il en est encore d’autres sortes : au lieu de tirer sur un but