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REVUE SCIENTIFIQUE

LE RÉGLAGE DE TIR DE L’ARTILLERIE

Naguère mon maître M. Violle, avec un flegme scientifique non dénué d’ironique tristesse, appelait la guerre « un grandiose phénomène physique. » Il vaut mieux en effet, si on veut l’observer avec- intérêt, considérer ce phénomène du point de vue de la physique que de la morale ; et il faut reconnaître en particulier que les problèmes que posent au physicien les modalités du tir de l’artillerie sont tout semés d’ingénieuses et passionnantes surprises.

J’ai indiqué sommairement dans ma dernière chronique, comment en s’étayant sur les béquilles hasardeuses du calcul des probabilités, on construit les tables de tir et comment on prépare celui-ci. Cette préparation du tir, c’est-à-dire la détermination préliminaire des élémens initiaux qui serviront à tirer le premier coup de canon aussi près que possible du but, est nécessaire pour deux raisons : d’abord elle permet, lorsque le moment est venu, de tirer efficacement, de ne pas gaspiller inutilement des quantités de munitions tombant très loin de ce but ; ensuite, elle rend possible l’effet de surprise foudroyante d’un tir immédiatement juste qui, outre son résultat moral, ne laisse pas à l’ennemi le temps de s’abriter.

Mais à vrai dire, sauf lorsqu’il s’agit de tirer sur un objectif de vaste étendue, — campement, système de tranchées très serré, colonne de troupes ou de ravitaillement, — ce dernier avantage est rarement obtenu. Si parfaite que soit la connaissance des éléments initiaux du tir, le premier coup du canon va en effet rarement au but, non pas seulement à cause de la dispersion naturelle des coups, mais surtout