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bien que de contingens armés qui lui sont, en somme, indispensables ?

Descendons plus au Sud pour jeter un coup d’œil sur ce front malheureusement fragmenté. Négligeons d’ailleurs, pour faire court, la conduite de nos opérations en Mésopotamie, en Arménie, en Syrie même où il semble que l’on se dispose à une sérieuse action combinée. N’allons qu’à l’essentiel et ne perdons pas de vue notre capital objet : « l’étouffement économique » de l’Allemagne.

Etouffement, dis-je. Le mot répond, je pense, à la situation. Quand nous prétendons tout embrasser de cet extraordinaire conflit, nous ne devons pas oublier que le Pangermanisme a réalisé, — pour un moment, c’est entendu, mais enfin réalisé, — son grandiose dessein impérialiste de la « Mittel Europa, » avec toutes ses conséquences ou à peu près, avec la mainmise sur la Turquie et sur l’Asie-Mineure. Expansion gigantesque, conquêtes colossales qui justifient pleinement aux yeux d’un peuple enivré cet orgueil démesuré dont les prétentions nous irritent, nous, autant qu’elles nous font sourire !

Or, si nous jetons les yeux sur une carte, une de celles où M. Chéradame montre si bien les développemens du plan pangermaniste et toutes les conséquences du succès de cette vaste entreprise, nous constatons que l’Empire nouveau, s’il a sans doute des pieds d’argile, a surtout une ceinture trop étroite, une ceinture où la mer s’est chargée de créer « une ligne de rupture préparée, » une ceinture facile à rompre, dirais-je, si je ne prévoyais pas qu’on m’opposerait tout de suite l’échec que les Alliés ont éprouvé en 1915 lorsqu’ils s’y sont essayés.

J’ai eu à plusieurs reprises, ici même, l’occasion de dire pourquoi l’opération des Dardanelles avait échoué. Bien plus longuement que je ne l’avais pu faire et avec force documens à l’appui de leurs constatations, les Anglais n’ont pas craint de traiter un sujet qui devait leur être, semblait-il, particulièrement pénible. Admirons cette belle franchise ; mais du moins, de l’étude si consciencieuse à laquelle se sont livrés nos alliés, sachons tirer la conclusion pratique que le découragement était venu trop tôt, qu’un simple transfert de base d’opérations dans la presqu’île de Gallipoli, — du côté de l’isthme et du golfe de Saros, — aurait suffi pour tout sauver, surtout si l’on s’était décidé à reprendre l’opération navale du