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de l’Occident ne peut agir là que d’une manière indirecte, par exemple en assurant le réapprovisionnement continu en matériel et en munitions des armées russes, en leur fournissant entre autres choses l’artillerie lourde qui semble leur manquer encore. Remarquons qu’il faut jusqu’ici pour cela que les côtes Nord de la Norvège soient décidément purgées des pirates allemands, ce qui vient à l’appui des réflexions que je faisais tout à l’heure, et que, si nous occupions en force mer du Nord et Baltique, le trajet des paquebots portant en Russie tous ces essentiels objets d’armemens serait singulièrement écourté sans être en réalité plus dangereux. Les découvertes que les Norvégiens font en ce moment même sur les procédés clandestins de l’Allemagne à leur égard sont-elles du moins de nature à hâter une décision qu’ont retenue trop longtemps la crainte, d’un côté, l’appât de profits considérables, de l’autre ? Il se peut.

Quoi qu’il en soit, il ne faut plus marchander à procurer aux Russes, en vue d’une offensive aussi immédiate que possible [1], des secours vraiment décisifs. Ces secours, puisqu’on ne peut encore les faire venir de l’Ouest, doivent venir de l’Est où attendent, l’arme au pied depuis trois ans, des forces armées dont nul ne s’aviserait aujourd’hui de contester la très haute valeur. Nous avons déjà des bâtimens légers du Japon dans la Méditerranée. L’un de ces « destroyers » a même été frappé par une torpille et s’est héroïquement tiré d’affaire. Le principe est donc accepté ; le premier pas est fait. Qu’est-ce, alors, qui empêcherait de continuer ? La politique orientale d’une Russie tsarienne qui n’existe plus ? L’amour-propre de la nation ? Mais nous-mêmes. Français, n’acceptons-nous pas, que dis-je ? ne sollicitons-nous pas franchement des secours qui permettront à nos vieux soldats, depuis si longtemps sur la brèche, d’aller un moment mettre la main à leur charrue ? Une aide analogue, certes ! les paysans russes l’accepteraient, eux aussi. Dira-t-on encore qu’il faudra payer un tel concours ? Je l’ignore. Et puis, pourquoi pas ? Peut-on hésiter un moment quand, moyennant ce juste salaire, on rendrait à nos alliés de l’Est tout ce qu’ils ont perdu et qu’en leur permettant de jeter bas l’Autriche, on priverait l’Allemagne du grenier hongrois et du grenier valaque, aussi

  1. Au moment où je corrige les épreuves de cet article, j’apprends la reprise heureuse de l’offensive en Galicie. Ma conviction de l’intérêt de la coopération japonaise n’en reste pas moins entière.