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ait encore posé à notre constance, » il n’est peut-être pas mauvais de revenir sur les raisons qui ne me permettent pas de croire qu’il suffise du seul blocus, combiné avec des opérations purement défensives, pour venir à bout de l’Allemagne dans un laps de temps tel que nous ne soyons pas nous-mêmes réduits à l’épuisement matériel ou à l’abattement moral.

Il y a eu, c’est incontestable, de sérieux progrès réalisés depuis trois mois dans l’organisation du « blocus au travers des neutres, » qui avait fait l’objet, le 30 mars dernier, d’un intéressant débat à la Chambre des députés. Grâce à l’intelligente vigilance des organismes chargés de tenir étroitement serrée la vis de pression économique que nous faisons agir depuis plus de deux ans sur les empires coalisés, on pouvait considérer déjà comme difficile la continuation des trafics variés au moyen desquels les neutres du Nord se chargeaient d’approvisionner l’Allemagne. Les « contingentemens » s’étendaient, ainsi que les opérations de la « politique d’achats, » si bien définie par l’éminent sous-secrétaire d’Etat au blocus, M. Denys Cochin.

Mais voici que le gouvernement des Etats-Unis, comme je le faisais prévoir dans mon étude du 1er juin [1], a décidément pris les mesures nécessaires pour contrôler toutes les exportations alimentaires. M. Wilson compterait même obtenir du Congrès de pleins pouvoirs pour exercer sa surveillance sur les exportations de charbon, de munitions et sur les opérations commerciales de toutes les industries susceptibles d’intéresser la défense nationale. Mais là, il se heurte à de sérieuses résistances, tandis que, sur la question du contrôle des objets d’alimentation, tout le monde est d’accord, de l’autre côté de l’Atlantique, parce que le Président a habilement fait valoir l’immédiat intérêt qu’il pourrait y avoir, en cas de mauvaise récolte, à ne pas se démunir complètement de réserves de vivres dont la seule diminution provoque depuis quelques semaines des spéculations effrénées et en tout cas une élévation marquée du prix de l’existence.

C’est qu’en effet, aussitôt qu’ils ont eu le soupçon de ce que M. Wilson préparait, les approvisionneurs ordinaires de l’Allemagne se sont précipités sur les marchés américains et y ont

  1. Voyez la Revue du 1er juin 1917 : « Où en sont les deux blocus ? » page 671.