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rapide. C’était le dimanche 18 mars, à huit heures et demie du matin. A cet instant, une vingtaine d’hommes, sous la conduite d’un caporal, vinrent s’aligner dans la rue du Marché-Franc. Ils étaient armés de haches et de bâtons ferrés. Ils avaient reçu des ordres précis. Au moment où le général Fleck disparaissait, le caporal et ses hommes entrèrent dans la maison. Ils avaient dit :

Zum Befehl, Herr General. A vos ordres, seigneur général.

Alors, conformément aux ordres donnés, l’équipe se mit en devoir de détruire tout ce qui n’avait pas été emballé par le général sur des camions automobiles. Cela fut fait mécaniquement, selon la consigne, avec l’automatisme machinal de la discipline allemande, à coups de haches et de bâtons ferrés. Nous avons vu cette maison dans l’état où ce sabotage l’a réduite. Dès qu’on a franchi la grille d’entrée, on marche sur des tessons de porcelaine brisée. Le vestibule, au haut du perron, est jonché des éclats miroitans d’une grande glace cassée. Dans le salon, le buste du maître de la maison, en marbre blanc, a été jeté sur le parquet et barbouillé d’encre noire. Les portes sont enfoncées, les persiennes décrochées, les serrures broyées, les verrous arrachés, les loquets tordus.

On nous rapporte qu’aux témoins de cette scène qui leur faisaient honte, ces saboteurs en uniforme répondaient :

— Ordre du général... Alles kapout.

Alles kapout !... Tout doit être détruit. C’est ainsi que les officiers allemands, sous le règne de Guillaume II, prennent congé des personnes chez lesquelles ils ont habité. Je me souviens, à ce propos, d’un passage des Mémoires de Goethe, où l’on voit qu’un officier français, le comte de Thorenc, lieutenant du roi de France, étant logé dans la maison du père de l’auteur, à Francfort-sur-le-Mein, en 1759, « ne voulut même pas clouer aux murs ses cartes de géographie, pour ne pas endommager les tapisseries neuves... »

Allons maintenant à Chauny, où nous attendent d’autres effets de la Kultur.


Chauny.

L’arrivée à Chauny, cité naguère avenante, c’est un voyage parmi les ruines d’une sorte de Pompéi. Mais il y a une différence :