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sans aucune utilité pour eux-mêmes. Les réquisitions sont devenues continuelles ; maisons et magasins ont été vidés peu à peu... Un jour, on est venu soi-disant emprunter, pour le chef de la Kommandantur, une très belle table, appartenant à l’Hôtel de Ville, et qui avait été estimée cinq mille francs ; elle ne nous a jamais été rendue. » Avant de quitter Ham, les Allemands mirent le feu aux fabriques de sucre de MM. Bocquet et Bernot, aux ateliers mécaniques de MM. Mahot et Génin, à la brasserie de M. Serré, à la fabrique d’huile de M. Dive fils.

Dans la matinée du 10 février, plus de cinq cents personnes de Ham reçurent la convocation fatale qui jetait l’épouvante au foyer des familles. Il fallait se rendre à l’esplanade du château, sous prétexte d’une vérification de papiers d’identité. Lorsque l’appel eut été fait, ces pauvres gens restèrent là, piétinant dans la neige, jusqu’à trois heures de l’après-midi, sans rien manger. C’est à peine si quelques mères de famille purent apporter à leurs enfans un peu de nourriture avant la déchirante séparation. Ces malheureuses mères, ayant accompagné leurs filles pour tenter une suprême démarche auprès de la Kommandantur, furent brutalement repoussées. Un document public nous a fait connaître ce mot d’un commandant allemand qui, après avoir repéré dans le troupeau des captives une jeune fille de seize ans, a dit : « Celle-là est pour moi [1]. »

Dans cette même ville de Ham, les Allemands enlevèrent encore, le 13 mars 1917, quatre-vingts personnes, soixante hommes et vingt femmes, parmi lesquelles se trouvaient quatre malades de l’hospice. Un témoin de ces scènes en a fait ainsi la description : « J’ai assisté aux enlèvemens d’habitans. C’était navrant ! Ma femme, âgée de cinquante-quatre ans, a été l’une des victimes de cette horrible mesure. Elle n’est pas encore revenue ; je n’ai jamais reçu de ses nouvelles, et j’ignore même où elle est. Elle avait exhibé aux Allemands un certificat médical, établissant l’état précaire de sa santé : il n’en a été nullement tenu compte. J’ai alors demandé à partir avec elle, mais je n’ai pu l’obtenir. »

Dans la nuit du samedi 17 mars 1917, le maire de Ham reçut l’ordre de réunir à l’église et au centre de la ville, avec

  1. Séance du Sénat, 31 mars 1917.